Cédric BERNAT, Docteur en Droit – Société d'Avocats LEX CONTRACTUS – Notre site : www.lexcontractus.fr

4 mars 2010

La LEX MERCATORIA : l’âme du Droit commercial international

 

Avertissements :

– Les différents thèmes ici regroupés, pour réaliser cette étude générale sur la LEX MERCATORIA, sont issus de différentes parties de la Thèse de Doctorat de Cédric BERNAT : « L’exploitation commerciale des navires et les groupes de contrats, OU Le principe de l’effet relatif dans les contrats commerciaux internationaux » – Editions ANRT 2005.

– Les notes de bas de page sont regroupées à la fin du document.

 

 

1. Introduction  — Hommage à Berthold GOLDMAN et à Philippe FOUCHARD — Le Professeur GOLDMAN a, le premier, évoqué la « lex mercatoria »[1]  comme pouvant constituer un troisième ordre juridique aux côtés des ordres nationaux et international[2]. L’auteur, encouragé par d’autres voix, a ensuite vaillamment défendu sa théorie[3], contre vents et marées[4].

Le Professeur Philippe FOUCHARD, disciple de B. GOLDMAN, et le plus éminent spécialiste français de l’Arbitrage commercial international, a permis, par sa très riche oeuvre doctrinale, de consolider le contenu de la lex mercatoria, et de tracer de nombreuses pistes de réflexion sur ce sujet inépuisable. En Janvier 2004, les spécialistes du droit commercial international et de l’Arbitrage commercial international étaient en deuil, suite à la disparition tragique de Philippe FOUCHARD et de dix membres de sa famille, dans le crash aérien de Charm-El-Cheikh (v. le très bel hommage publié à la Revue Internationale de Droit Economique : http://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2004-1-page-5.htm).

Qu’un bien humble hommage leur soit ici rendu.

2. Lex mercatoria n’est pas forcément synonyme d’équité — Jean-Denis BREDIN soutient que « d’évidence (…) l’arbitrage incline vers l’équité », que « toutes les expressions utilisées pour caractériser la lex mercatoria pourraient servir à définir cette loi morale du juge étatique communément, commodément dénommée équité »[5]. Au contraire, B. GOLDMAN fait justement valoir que « les règles de la lex mercatoria sont appliquées telles quelles, indépendamment du caractère équitable ou non des résultats concrets et spécifiques de cette application : en cela, elles diffèrent de l’équité, et sont des règles de droit »[6].

3. Lex mercatoria et societas mercatorum — Toute règle de droit n’est pas naturelle. A contrario, toute règle de droit est une institution, une création de l’homme. Partant quelle est l’origine institutionnelle de la lex mercatoria ? Paul LAGARDE estime que la lex mercatoria n’est qu’une « collection de règles », d’« îlots d’organisation », émanant au mieux, d’une « pluralité de sociétés de marchands »[7]. A cela, GOLDMAN oppose une évidence : le reproche qui est ici formulé à l’endroit de la lex mercatoria, pourrait également prospérer contre l’ordre du droit international. Ainsi, alors que l’ordre du droit international « ne dispose ni d’une organisation aussi complète, ni de moyens de coercition aussi efficaces que ceux des Etats » [8], ni son existence, ni son caractère juridique ne sont contestés. En conséquence, la lex mercatoria ne disposant pas non plus, à l’instar de l’ordre international, « ni d’une organisation aussi complète, ni de moyens de coercition aussi efficaces que ceux des Etats », il n’y a pas lieu de remettre en cause l’existence même ni la juridicité de ce dernier ordre[9].

4. Imperfection de la lex mercatoria — De la même manière que pour l’ordre international, le reproche peut être fait à la lex mercatoria, de ce qu’elle est incomplète et imparfaite. Ainsi, BATTIFOL et LAGARDE soulignent la dépendance de la lex mercatoria aux droits nationaux qui seuls réglementent les questions liées à la capacité ou au consentement des parties contractantes[10]. Il est vrai que la lex mercatoria ne s’intéresse qu’à certaines questions du commerce international, et non pas aux questions générales de capacité et de consentement, qui relèvent généralement des lois d’ordre public nationales et auxquelles les contractants internationaux ne peuvent valablement se soustraire ; d’où un découpage minimum des règles applicables aux contrats internationaux. En revanche, nous verrons que, bien que la lex mercatoria ne soit pas indépendante de ce chef, elle répond néanmoins à une réelle attente des praticiens en uniformisant de façon heureuse un certain nombre de matières techniques, telles que le crédit documentaire. Et puis, ainsi que l’a pertinemment relevé GOLDMAN, « est-il réellement indispensable que la lex mercatoria constitue un ordre juridique, et surtout un ordre juridique parfait et complet pour que ses règles soient des règles de droit, et pour qu’elle puisse intégrer, comme les autres ordres juridiques, mais en les adaptant au besoin, les principes généraux du droit, voire élaborer progressivement de tels principes, à partir d’usages généralement et constamment suivis ? »[11].

Au vu de ce qui précède, nous abandonnons la réponse au lecteur[12].

Ces précisions apportées, quel est le contenu de la lex mercatoria ?

5. Division — La lex mercatoria réunit sous un concept unique, des sources distinctes, que, pour des facilités de présentation, nous scinderons en quatre, même si cette division peut être critiquée, dans la mesure où, par exemple, certains des principes dont nous ferons état, ont été mis en lumière par des sentences arbitrales, et où, par exemple, ces principes peuvent être considérés, lato sensu, comme étant des usages du commerce international. Mais ces questions de classifications ne sont qu’affaire de concepts, avec toute la relativité que cela comporte. Voici les nôtres, qui nous semblent utiles à une présentation claire de la matière : les usages du commerce international (§ 1), les principes transnationaux (§ 2), les codifications (§ 3), et la jurisprudence arbitrale internationale (§ 4).

§ 1. LES USAGES DU COMMERCE INTERNATIONAL

6. Exclusion des usages des parties — Entre les parties en relations d’affaires, ou en courant d’affaires, c’est-à-dire entre partenaires commerciaux habituels, s’instaurent naturellement d’itératifs usages. Par suite, l’article 9, § 1er, de la CVIM dispose que : « Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti et par les habitudes qui se sont établies entre elles ». Les usages inter partes sont donc revêtus de la force obligatoire, à charge pour celui qui en réclame le bénéfice, de rapporter la preuve de leur existence[13].  Mais ces usages contractuels ponctuels ne sont pas ceux dont nous entendons ici faire l’évocation.

7. Reconnaissance des usages du commerce international : de la CVIM au Code civil, et droit comparé — En effet, ne prennent part à la lex mercatoria, que les usages du commerce international (et non pas ceux des parties contractantes). C’est ainsi que la CVIM indique, en son article 9, § 2, que : « Sauf convention contraire des parties, celles-ci sont réputées s’être tacitement référées dans le contrat et pour la formation à tout usage dont elles avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des contrats de même type dans la branche commerciale considérée ». Toujours en matière internationale, la loi-type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international dispose, en son article 28, alinéa 4, que : « Dans tous les cas, le tribunal arbitral (…) tient compte des usages du commerce applicables à la transaction ». Egalement, aux termes de l’article 7 de la Convention européenne sur l’arbitrage commercial international, signée à Genève le 21 avril 1961 : « Les arbitres tiendront compte des stipulations du contrat et des usages du commerce ». De même, notre Nouveau Code de procédure civile, dispose en son article 1496, alinéa 2, que l’arbitre « tient compte dans tous les cas des usages du commerce »[14], et surtout, notre Code civil, en son article 1135, enseigne aux parties contractantes, au titre des effets des obligations en général, que : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature »[15], puis au titre de l’interprétation des conventions, que « ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le pays où le contrat est passé »[16] et que l’on « doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées »[17].

De même, en droit comparé, l’on constate une large reconnaissance des usages. Ainsi, notamment, l’on relève la section 1-205, § 2 du Uniform Commercial Code américain qui donne une définition des usages du commerce[18], le § 157 du BGB allemand aux termes duquel les contrats doivent s’interpréter de bonne foi, compte tenu des usages, le § 346 du Code de commerce allemand, l’article 1492, alinéa 1er du Code civil italien…

8. Force obligatoire des usages — A l’instar des règles de droit qui peuvent être impératives ou supplétives, les usages commerciaux en général, et internationaux en particulier, peuvent également relever de l’une ou l’autre de ces catégories[19]. Aussi, la violation des usages impératifs est-elle sanctionnée. Ainsi, mal en a pris au Gouvernement français d’élaborer un décret méconnaissant manifestement certains usages commerciaux : le Conseil d’Etat a sanctionné cette gageure en prononçant la nullité de la disposition litigieuse[20]. Mais en matière de contrats commerciaux internationaux, le libre choix du droit applicable étant la règle, peut-on encore parler d’usages « impératifs » ? A l’examen, il y a lieu de répondre par l’affirmative, dans la mesure où, comme nous le verrons au chapitre 4, par exemple, les dispositifs relatifs aux crédits documentaires comportent un noyau dur impératif. Partant, il convient donc de maintenir la dichotomie précédemment mise en exergue par Philippe FOUCHARD.

9. Usages et jurisprudence arbitrale internationale — A l’occasion d’une affaire arbitrée en 1994, la Chambre de commerce internationale a rappelé le principe suivant (traduit de l’anglais) :

« Le tribunal (arbitral) a (…) le pouvoir de baser sa décision :

—    sur sa compréhension de l’accord litigieux,

—    les principes généraux du droit,

—    les concepts de la bonne foi et de la confiance réciproque dans les relations commerciales,

—    ainsi que sur les usages commerciaux »[21].

10. Usages, Internet et commerce électronique — Par ailleurs, Internet, que nous avons déjà évoqué et sur lequel nous reviendrons ultérieurement, relativement, notamment, aux signatures électroniques, semble être le théâtre de la naissance de nouveaux usages, propres au commerce électronique.

Deux sociétés, entièrement distinctes l’une de l’autre, ayant toutes deux déposé, pour des produits différents, la même marque « Alice », et ayant successivement rempli les formalités visant à créer leurs sites respectifs sur le web, sont entrées en conflit sur le point de savoir laquelle des deux sociétés pourrait appeler son site « Alice », étant entendu que deux sites ne peuvent pas, matériellement porter le même nom dans la même zone, en l’occurrence « .fr »[22]. Par jugement du 23 mars 1999, le Tribunal de grande instance de Paris a estimé que celle des deux sociétés qui pourrait appeler son site « Alice » serait celle qui avait formulé sa demande en premier[23]. Dans un commentaire de cette décision, Anne COUSIN résume ainsi le débat : « le juge a donc donné force obligatoire à la règle du « premier arrivé premier servi », ou peut-être seulement reconnu cette force obligatoire » ; avant de s’interroger plus directement sur le point de savoir si ladite règle ne serait pas un « cas fort intéressant d’élaboration d’une règle coutumière internationale ». L’auteur penche manifestement pour cette hypothèse et, bien que la coutume doive s’installer dans le temps avant d’être considérée comme telle, nous l’accompagnons toutefois en ce sens. En effet, s’agissant de la pratique d’ouverture de sites sur Internet, il est bien évident qu’à chaque site ne peut correspondre qu’une adresse et une seule. Partant, comme il ne serait pas équitable de départager les parties en concours, en contemplation d’autres considérations que le critère objectif et neutre dont il vient d’être fait état, nous nous rallions à la thèse développée par Anne COUSIN, convaincus qu’elle sera confirmée et consacrée dans les prochaines années.

11. Usages de branche et usages du commerce international — Au sein des usages de la lex mercatoria, l’on peut opérer une sous-distinction entre d’une part, les usages spécifiques à une branche considérée, et d’autre part, ceux qui constituent des usages généraux, valables pour la totalité des opérateurs du commerce international, quel que soit leur secteur d’activités. Aussi, afin de ne pas commettre de confusion, nous proposons une distinction entre trois types d’usages, en matière internationale :

—    les usages propres aux parties à un contrat commercial international (et qui n’entrent pas dans la définition de la lex mercatoria) ;

—    les usages de la branche considérée (qui entrent dans la définition de la lex mercatoria) ;

—    et les usages généraux qui peuvent également être appelés « principes transnationaux » (qui entrent également dans la définition de la lex mercatoria).

A présent, nous sommes en mesure de dire très exactement ce que nous entendons par « usages du commerce international » : uniquement les usages de branche ; quant aux usages généraux, afin de ne pas les confondre avec les précédents, nous adopterons une terminologie totalement distincte : celle de « principes » du commerce international ou principes transnationaux.

Enfin, nous estimons qu’il y a lieu de distinguer deux types d’usages de branches :

—    les usages de branche professionnelle ou usages corporatistes ;

—    et les usages documentaires c’est-à-dire relatifs à l’instrumentum contractuel, ou support contractuel[24].

§ 2. LE DEVELOPPEMENT DES PRINCIPES COMMERCIAUX TRANSNATIONAUX

12. Distinction d’avec les principes généraux du droit : les principes transnationaux comme la crème des droits nationaux — La notion de « principe » est duale. Un principe est une règle élémentaire ; en cela, le principe relève de la norme acquise. Mais un principe est également une loi générale ; en cela, le principe, s’il est pour le moins limpide à sa source philosophique et/ou juridique, est en revanche moins net dans ses applications souvent casuistiques, et pas toujours dotées d’incontestabilité. C’est ainsi que le concept même de « principe » est à la fois précis et vague ; et il en va ainsi des « principes généraux du droit ». Comme il est plusieurs branches du droit, il est plusieurs branches de principes généraux : les principes généraux du droit privé interne, du droit public… du droit international privé français. Ces principes généraux sont devenus « principes » tant en raison de leur caractère fondamental en droit, qu’en raison de leur respect jurisprudentiel et réglementaire et de leur consécration doctrinale. Mais, ce qui distingue les principes généraux du droit, des principes commerciaux transnationaux, c’est avant tout leur source. Contrairement aux principes généraux du droit, les principes commerciaux transnationaux ne s’évincent pas d’un texte constitutionnel ou législatif, mais d’une pratique commerciale internationale qui comporte, outre les opérateurs proprement dits, des institutions comme la CCI, la Chambre arbitrale maritime de Paris, ou la Chambre arbitrale de Londres, dont l’influence est indubitable et manifestement évidente. Il est vrai que la reconnaissance des premiers est avantagée par rapport à celle des seconds, en raison de l’ancienneté des droits nationaux et de la nature de leurs sources ; alors que les seconds sont nés très récemment, avec le développement de l’arbitrage international. En effet, ces principes transnationaux sont mis en exergue par les arbitres « à partir d’une observation de la convergence des droits nationaux », étant entendu que cette recherche comparative « doit être conduite à un niveau suffisant de généralité sans avoir besoin d’être exhaustive »[25]. A cela, Philippe DELEBECQUE ajoute que ces principes dégagés, ou ces convergences constatées, « doivent être relus dans la « communauté marchande internationale » » c’est-à-dire à la lumière de la pratique de la societas mercatorum[26].

13. Intérêt des principes commerciaux transnationaux — Les règles ainsi dégagées sont formidablement efficaces puisque, avant même leur érection en « principe transnational », elles sont déjà reconnues et appliquées largement. Leur consécration arbitrale ne fait qu’officialiser leur acte de naissance. Partant, ces principes ne peuvent être qu’opportuns et permettre une bonne résolution des litiges commerciaux internationaux qui le plus souvent mêlent un grand nombre de difficultés, de forme d’abord, de fond ensuite, symptômes d’une complexité naturelle. Aussi, puisque l’essentiel est avant tout de régler un différend, le recours à un principe général transnational, qui autorise une certaine marge d’appréciation à l’arbitre, sera le plus souvent pleinement satisfaisant[27].

14. Reconnaissance des principes commerciaux transnationaux — L’article 7, § 1, de la Convention de Genève du 21 avril 1961 sur l’arbitrage international, à laquelle la France est partie, offre une reconnaissance tacite des principes transnationaux en disposant que : « Les parties sont libres de déterminer le droit que les arbitres devront appliquer au fond du litige. A défaut d’indication par les parties du droit applicable, les arbitres appliqueront la loi désignée par la règle de conflit que les arbitres jugeront appropriée en l’espèce. Dans les deux cas, les arbitres tiendront compte des stipulations du contrat et des usages du commerce ». Le terme « droit » pourrait ici être remplacé par celui, plus général, de « règles », ce dernier comprenant tout à la fois les règles de droit au sens strict, mais aussi la lex mercatoria, à l’intérieur de laquelle, notamment, les principes transnationaux[28]. De la même manière, l’article 42 de la Convention de Washington du 18 mars 1965 portant création du CIRDI[29], fait référence, lato sensu, aux « règles de droit adoptées par les parties ». De manière plus franche, l’Institut de droit international a affirmé que : « les parties peuvent notamment choisir comme loi du contrat, soit un ou plusieurs droits internes ou les principes communs à ceux-ci, soit les principes généraux du droit, soit les principes appliqués dans les rapports économiques internationaux, soit le droit international, soit une combinaison de ces sources de droit »[30], et n’hésite pas à faire état des « règles de droit autres que les lois étatiques »[31].

A ce dernier égard, la Cour de cassation française, se prononçant sur une affaire — Valenciana — qui fit l’objet de deux sentences arbitrales, la première tendant à trancher le litige liminaire relatif à la détermination du droit applicable[32], la seconde tranchant le débat sur le fond[33], chacune de ces sentences ayant fait l’objet d’un recours en annulation, a considéré qu’un arbitre qui s’est référé « à « l’ensemble des règles du commerce international dégagées par la pratique et ayant reçu la sanction des jurisprudences nationales », (…) a statué en droit (…) ». Cet arrêt était très attendu, notamment par Paul LAGARDE qui avait souhaité que la Haute Cour profitât de l’opportunité de sa saisine pour se prononcer sur la juridicité de la lex mercatoria. L’effet se produisit ; et Paul LAGARDE, de conclure : « nous devons aujourd’hui admettre, avec M. GOLDMAN, que pour l’arbitre c’est donc bien, selon la Cour de cassation, statuer en droit que de statuer selon la lex mercatoria »[34].

Cette position de la Cour de cassation a été corroborée par la résolution de l’International Law Association, sur l’application des règles transnationales par les arbitres du commerce international, présentée au Caire le 26 avril 1992[35].

15. Exemples de principes commerciaux transnationaux — Emmanuel GAILLARD indique que le Comité d’arbitrage qu’il préside s’est déjà intéressé à certains principes :

—    le principe d’imprévision ;

—    pacta sunt servanda[36] ;

—    le principe de bonne foi[37] ;

—    interdiction de se contredire au détriment d’autrui[38] ;

—    devoir de coopération dans les contrats à long terme ;

—    exception d’inexécution ;

—    force majeure ;

—    principes concernant l’évaluation et la prévisibilité du préjudice réparable ;

—    principes concernant les intérêts[39].

Mais il est d’autres principes commerciaux transnationaux, tout aussi fondamentaux, tels le principe du raisonnable[40].

Cette liste n’a pour but que de fournir un premier éclairage du contenu des principes transnationaux. Elle n’est pas exhaustive, et en toute hypothèse, elle ne sera jamais véritablement figée, toujours sujette à aménagements, évolutions, compléments. Mais n’en n’est-il pas ainsi pour le droit en général, et pour tout ce qui est ?

16. Force obligatoire des principes commerciaux transnationaux — Il semblerait que les principes transnationaux puissent être en premier lieu choisis comme lex contractus par les parties contractantes (sauf loi de police contraire). Ainsi, l’on sent vaciller le principe de rattachement de tout contrat international à un droit national, qui semble se heurter à un ensemble de règles supérieures : les règles transnationales relevant de la lex mercatoria.

En second lieu, en cas d’omission des parties de désigner un droit applicable à leurs relations contractuelles, les règles transnationales et avec elles, la lex mercatoria, auraient vocation à s’appliquer, à titre supplétif[41].

Dans la mesure où d’une part, les règles transnationales sont suffisamment précises de sorte que le consentement des parties d’y adhérer sans réserve ait été utilement éclairé, et où d’autre part, les droits nationaux des Etats dont ressortent les parties ne s’opposent pas à cette possibilité (ordres publics internes), nous sommes favorables à la position exprimée par le Président du Comité de l’arbitrage de l’ILA.

17. Incidence de l’arrêt Valenciana sur l’arrêt Messageries maritimes[42]Il nous semble que désormais, le principe qui prévalait, il y a quelques décennies, du rattachement de principe de tout contrat international à un droit national, sur le fond, doive, à moyen terme, tomber en désuétude ; sauf en ce qui concerne les matières réservées relevant de l’ordre public national, telles le consentement, la capacité, le statut personnel. Ainsi, pour les ressortissants français, l’article 3 du Code civil, d’ordre public, dispose que : « Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étrangers ».

Mais sur le fond, c’est-à-dire sur les relations contractuelles proprement dites, les parties contractantes peuvent désormais, avec l’aval de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, désigner comme loi contractuelle, la lex mercatoria dans son ensemble ; et l’arbitre dont la mission sera de trancher le litige né de ce contrat, devra être considéré, lorsqu’il fera application des règles « mercatoriales », comme ayant statué en droit.

Il existe donc manifestement, aux côtés des droits nationaux et du droit international privé, un troisième ordre juridique : la lex mercatoria.

§ 3. L’ESSOR DES CODIFICATIONS

18. Les rôles fondamentaux de la CCI, d’UNIDROIT et de la CNUCED — Un hommage appuyé doit être rendu à cette vénérable institution qu’est la Chambre de commerce internationale, qui par son œuvre remarquable contribue à assainir et à sécuriser les relations commerciales internationales en diverses matières[43]. Ainsi, la CCI a enrichi la lex mercatoria des précieux International Commercial Terms (Incoterms), mais aussi des Règles et Usances Uniformes (RUU), ainsi que d’autres règles particulières en certaines matières, notamment en matière de transport multimodal, avec le concours de la CNUCED. De plus, des projets sont actuellement à l’étude, tels que la création d’E-Terms ou ETERMS[44]. Mais, aux côtés de la CCI et de la CNUCED, réalise également un important travail de fond qui ne saurait être occulté, UNIDROIT, qui a créé ses désormais célèbres « Principes » sur les contrats du commerce international.

19. Nature des codifications — Au fond, les codifications sont mixtes. En effet, elles lient deux techniques complémentaires. En premier lieu, et de façon incontestable, elles structurent et fixent dans le marbre des usages professionnels qui leur ont préexisté, et qui ne sont pas nés directement de leur ouvrage ; ainsi en est-il par exemple des ventes CIF et FOB[45]. En second lieu, et de manière tout aussi indéniable, certaines codifications ne se sont pas contentées de compiler des usages, mais ont élargi leur réflexion en façonnant ce qui pouvait être amélioré, allant jusqu’à proposer de nouveaux schémas, ces derniers ne pouvant manifestement pas être qualifiés d’« usages » puisque élaborés dans le creuset de nobles institutions telle la CCI ; ainsi en est-il par exemple des ventes DDU[46] ou des RUU pour les garanties contractuelles[47]. En conséquence, il ne nous apparaissait pas opportun de faire état de ces codifications fondamentales dans le paragraphe 1 de cette sous-section 3 consacré strictement aux « usages » du commerce international, mais bien au contraire, de leur réserver une place privilégiée, dans un paragraphe autonome.

20. Division — Ainsi, nous évoquerons ici les grandes codifications survenues ces dernières années, et qui constituent un élément incontournable de la lex mercatoria : les Incoterms (A), les RUU (B), les Règles CNUCED/CCI applicables aux documents de transport multimodal (C), et les Principes UNIDROIT (D).

            A. Les Incoterms

21. Introduction — C’est en 1936 que vit le jour la première mouture des Incoterms. Elle connut ensuite plusieurs modifications ou mises à jour, en 1953, 1976, 1980, 1990 et pour la dernière en date, 2000. Aussi, en raison de leur importance pratique, un grand nombre d’études leur sont consacrées[48].

22. Incoterms et Liner terms — Les Incoterms s’intéressent exclusivement aux rapports des parties aux contrats de vente internationaux. Ils proposent des hypothèses de répartition des coûts et des risques entre vendeur exportateur d’une part, et acquéreur importateur d’autre part. De manière très globale, ils peuvent être classés en quatre familles, par lettre : la famille E, étant celle où le vendeur se décharge du transport de la marchandise sur la tête de l’acquéreur ; la famille F, dans laquelle le vendeur n’assume pas les risques du transport principal ; la famille C dans laquelle le vendeur assume les frais du transport principal, mais pas les risques ; et la famille D qui réunit les terms d’obligations maximales du vendeur dans le transport de la marchandise.

Ils ne doivent pas être confondus avec les Liner terms qui eux, ne s’intéressent qu’à la détermination du montant du fret sur les lignes régulières, dans les rapports entre le chargeur, le transporteur maritime et les intéressés au transport maritime[49], au regard de l’étendue des obligations de chacun des opérateurs en cause, au chargement et/ou au déchargement du navire. Ainsi, au titre des Liner terms, l’on peut citer notamment les clauses FI, FO, FIO[50].

23. Intérêts de Incoterms — Toute vente avec transport peut être découpée en au moins une dizaine de phases distinctes[51], dont les coûts respectifs sont susceptibles d’incomber soit au vendeur, soit à l’acquéreur ; d’où l’intérêt de bien définir le contenu obligatoire du contrat, relativement à la répartition de ces coûts. Les Incoterms proposent des exemples de répartitions de ces charges. En d’autres termes, ils émettent des hypothèses du moment où les charges financières liées à l’objet du contrat, basculeront sur la tête de l’acquéreur, parfois très vite (EXW), parfois in fine (DDP), avec de multiples solutions médianes. Corollairement, plus le vendeur accomplira de formalités pour le compte de l’acquéreur, plus le prix de vente total sera élevé, et inversement.

Le second intérêt majeur des Incoterms est de proposer des hypothèses de transfert des risques, ce dernier étant lié à la livraison de la marchandise vendue. Ainsi, de manière très générale et théorique, le transfert des risques intervient lors de la remise des marchandises au transporteur agissant pour le compte de l’acquéreur, dans les ventes EXW (usine départ), FCA, CPT, CIP (lieu convenu), FAS (le long du navire), et DAF (frontière) ; lors du passage du bastingage du navire (départ), dans les ventes FOB, CFR et CIF ; lors de la livraison au lieu convenu dans les ventes DES (sur le navire, port de destination), DEQ (à quai, port de destination), DDU, DDP (lieu de destination convenu).

24. Limite des Incoterms : quid du transfert de la propriété ? — En revanche, s’il est une question sur laquelle les Incoterms ne pouvaient prétendre émettre de possibles choix contractuels, c’est bien celle du moment où, juridiquement, la propriété des marchandises sera transférée de la tête du vendeur sur celle de l’acquéreur. En effet, les législations nationales dans le monde sont trop divisées sur ce point, et chacune demeure attachée à sa tradition.

En France, pour que la vente soit valide et la propriété transférée, et sauf clause de réserve de propriété[52] ou formalité réglementaire particulière[53], la propriété de la chose est transférée dès que les parties sont parvenues à un accord sur la chose et sur le prix. C’est l’une des applications du principe du consensualisme, et le transfert de la propriété est lié au transfert des risques. Cela dit, ce principe, qui était formalisé dans l’ancien droit français par la clause « vendu de droit et à l’instant » et qui, tant il a paru évident au législateur napoléonien qui ne l’a pas repris dans le Code civil[54], demeure, en droit positif français, supplétif. Les aménagements contractuels sont donc permis ; à tel point que la pratique de la construction navale a imaginé un transfert progressif de la propriété, au fur et à mesure des acomptes versés par le client armateur[55]. Mais sans aller jusque là dans la finesse contractuelle, en matière de vente internationale de marchandises, les clauses de réserves de propriété sont relativement courantes, subordonnant le transfert de la propriété au paiement du prix. En cas de crédit documentaire et de clause de réserve de propriété, la propriété ne sera ainsi transférée que lorsque la banque notificatrice aura reçu le paiement de la banque émettrice, nonobstant les stipulations particulières relatives à la désignation d’un Incoterm particulier.

Fréquemment, transfert de la propriété et transfert des risques, seront donc dissociés, ou, pour reprendre le terme d’Antoine VIALARD, « découplés ».

25. Incoterms de la CCI et autres Incoterms — Outre les Incoterms codifiés par la CCI, qui constituent des modèles phares, quoique toujours contractuellement malléables, se sont institutionnalisés d’autres Incoterms qui constituent en réalité de simples variantes des premiers. Trois facteurs sont à l’origine de cette profusion : le jeu naturel de la liberté contractuelle, mais aussi, l’attachement des opérateurs à leurs traditions juridiques propres[56], et enfin, les conséquences de l’économie de concurrence et des rivalités portuaires. En effet, afin d’encourager le développement du trafic portuaire, apparaissent ça et là des « Incoterms, usage du port », tels le nouveau « FOB Dunkerque » qui, depuis sa mise en place le 31 mai 1996, a permis au port de ladite ville de concurrencer directement le port belge d’Anvers[57].

26. Division — On distingue traditionnellement les ventes au départ (Incoterms des groupes E, F et C) (1), des ventes à l’arrivée (groupe D) (2). Dans la mesure où nous reviendrons ultérieurement, au fond, sur le contenu des Incoterms en matière de responsabilité, nous nous contenterons ici, d’en brosser un rapide tableau.

                        1. Les Incoterms de ventes au départ

27. EXW named place[58]La vente EXW est parmi les plus simples juridiquement pour le vendeur qui ne s’occupe de rien, si ce n’est des obligations de droit commun incombant à tout fabricant-vendeur. Ses obligations s’arrêtent au conditionnement du produit. Aussi, se sont développées deux variantes qui sont de légères extensions des obligations du vendeur. La première est la vente « EXW loaded on » : ici, le chargement du véhicule de transport incombe au vendeur ; la seconde est la vente « EXW stuffed », qui emporte pour le vendeur, l’obligation de procéder à l’empotage du conteneur.

28. FCA named place[59]Dans sa version CCI 1990, la vente FCA emporte pour le vendeur l’obligation de prendre en charge les marchandises jusqu’à l’achèvement des formalités de douane export. Notons cependant les réserves formulées par Paul-Marie RIVOALEN à l’encontre de cette formule qu’il juge compliquée et floue quant à la répartition des coûts. Selon lui, il est « difficile » de vendre FCA CCI 1990. Aussi, estime-t-il « intéressant », le nouveau term FCA CCI 2000, essentiellement lorsqu’il implique que la livraison aura lieu dans le cadre d’un pré-acheminement. L’intérêt réside alors pour le vendeur en une avantageuse précision : « la responsabilité et le coût du déchargement, comme par exemple la mise à quai dans un port, sont transférés à l’acheteur »[60].

29. FAS named port of shipment[61]Les ventes spécifiquement maritimes sont les ventes FAS, FOB, CFR, CIF, DES et DEQ. Dans la vente FAS CCI 1990, qui correspond à la vente « FAS vessel » américaine[62], le vendeur doit livrer les marchandises le long du navire préalablement désigné par l’acquéreur, au port d’embarquement convenu. Mais, sous l’influence des Liner terms, les pratiques professionnelles ont élaboré des catégories particulières de ventes FAS, telles la vente « FAS rendu à quai » ou la vente « FAS rendu sous palan », cette dernière étant la plus complète des ventes FAS.

Pour M. RIVOALEN, la version FAS CCI 2000 améliore la précédente dans la mesure où les opérations de douane export incombant au vendeur, permettent à ce dernier de connaître le pays d’exportation des marchandises[63].

30. FOB named port of shipment[64]Dans ce type de vente, le vendeur s’engage à livrer la marchandise à bord du navire désigné par l’acquéreur, au port d’embarquement convenu. Les Liner terms ont également eu des incidences sur les ventes FOB ; ainsi rencontre-t-on des combinaisons vente FOB/clause FI, FOB/FIO, FOB/FOIS, FOB/FIOST. Quant aux usages portuaires, ils n’ont pas été sans retentir sur les ventes FOB ; ainsi par exemple, contracte-t-on « FOB Le Havre », « FOB Dunkerque » ou « FOB Anvers ». De l’autre côté de la Manche, est côté le « FOB UK »[65] ; de l’autre côté de l’Atlantique, aux USA, le « FOB term », tel qu’issu des RAFTD, est une enveloppe trompeuse qui peut renfermer aussi bien une vente au départ qu’une vente à l’arrivée… Il est donc essentiel de négocier puis rédiger les contrats de vente internationaux avec force détails, qui ne seront jamais superflus en cas de litige.

31. C & F, or CFR, named port of destination[66]Ici, le vendeur s’engage à livrer la marchandise, à bord du navire par lui choisi, au port de destination convenu. En revanche, l’assurance sur facultés incombe à l’acquéreur[67].

La pratique a assorti ce modèle, de quelques extensions : « CFR landed », « CFR customs duties paid » et « CFR cleared »[68].

32. CIF, named port of destination[69]Le vendeur doit livrer la marchandise à bord du navire par lui choisi, au port d’embarquement convenu. Cependant, il s’engage en outre à souscrire une assurance sur facultés. Le transfert des risques s’effectue lors du chargement du navire, au passage du bastingage[70].

Comme précédemment, le modèle CIF connaît quelques extensions : « CIF landed », « CIF customs duties paid » et « CIF cleared ».

33. CPT, named place of destination[71]Dans ce cas, le vendeur s’engage à livrer la marchandise au transporteur ou, en cas de transporteurs successifs, au premier d’entre eux ; il supporte les risques de perte ou dommages des marchandises en amont de cette livraison.

34. CIP (ou CIPT), named place of destination[72]La différence essentielle entre une vente CPT et une vente CIP réside dans la charge de l’assurance transport qui, dans la première, incombe à l’acquéreur et dans la seconde, pèse sur le vendeur.

                        2. Les Incoterms de ventes à l’arrivée

35. DAF, named place[73]Le vendeur conclut le contrat de transport, laissant à l’acquéreur la charge de l’assurance sur facultés. Le vendeur doit ensuite mettre la marchandise à disposition de l’acquéreur, au lieu de livraison convenu à la frontière (essentiellement, transport routier ou ferroviaire). Il supporte seul les risques de la marchandise en amont de cette livraison.

36. DES, named port of destination[74]Dans ce cas, le vendeur conclut le contrat de transport, abandonnant la charge de l’assurance sur facultés à l’acquéreur. Le vendeur doit ensuite mettre la marchandise à la disposition de l’acquéreur, à bord du navire, au port de destination convenu. Il supporte seul les risques en amont de cette livraison.

37. DEQ, named port of destination[75]La vente DEQ est une extension de la vente DES. Ici, le vendeur s’oblige à mettre la marchandise à disposition de l’acquéreur, sur le quai. IL prend donc à sa charge les frais de déchargement du navire, et les risques. De plus, il s’engage à supporter les éventuels frais de surestaries et certaines formalités douanières d’importation, outre les droits et taxes exigibles à cette occasion. En d’autres termes, la vente DEQ est en principe une vente DEQDP (duty paid). Par exception, les parties peuvent convenir que la vente sera « DEQ duty unpaid » : ainsi, c’est l’importateur qui prendra à sa charge les frais et formalités qui viennent d’être énumérés. Enfin, les parties peuvent convenir que ces droits et taxes seront pour partie supportés par l’un et pour partie par l’autre ; auquel cas, il faudra alors préciser le tout, en détails, dans l’instrumentum du contrat.

38. DDU, named place of destination[76]Dans cette vente, seuls les frais de douane import et de post-acheminement demeurent à la charge de l’acquéreur. Mais, pour plus de sûreté, mieux vaut exprimer dans le contrat, opération par opération, lequel des deux contractants en sera débiteur.

39. DDP, named place of destination[77]En résumé ici, le vendeur se charge de tout, de bout en bout de l’acheminement de la marchandise, et naturellement, il supporte seul les risques tant que la livraison n’a pas été régulièrement effectuée[78].

Aux côtés de Incoterms, la CCI a également doté la lex mercatoria des tout aussi importantes Règles et usances uniformes ou RUU.

            B. Les Règles et Usances Uniformes (RUU)

40. Division — Le second bloc de codifications que nous devons à la Chambre de commerce internationale est constitué des Règles et usances uniformes. A l’usage des opérateurs du commerce international, c’est-à-dire des opérateurs membres d’un « groupe de contrats » au sens de la présente étude, deux corps de RUU nous intéressent : les RUU relatives aux crédits documentaires (RUUCD) (1), et les RUU relatives aux garanties sur demande (RUUGD) (2).  De la même façon que pour les Incoterms, dans la mesure où nous aborderons directement les détails techniques et le fond de ces Règles ultérieurement, nous nous bornerons ici à les présenter brièvement.

                        1. Les RUUCD

41. L’œuvre novatrice de la CCI — A ceux qui s’en prennent à l’existence même de la lex mercatoria en critiquant le fait qu’elle soit lacunaire, voici une réponse qui retourne le compliment aux droits nationaux et international : à la seule exception des USA[79], aucun droit national, pas plus que le droit international, ne réglementent, même partiellement, la matière des crédits documentaires, documentary credit en anglais. C’est au contraire la pratique — notamment bancaire — internationale, transnationale, qui, au travers des travaux remarquables de la CCI qui débutèrent officiellement dès 1926, a permis la construction d’un corpus de règles en cette matière si simple en ses principes de base, mais si délicate dans ses applications. En d’autres termes, en matière de crédit documentaire, ce n’est pas la lex mercatoria qui est laconique, mais ce sont les droits nationaux et le droit international privé. Mieux vaut donc prêcher pour la complémentarité des trois ordres : l’ordre des droits nationaux, l’ordre du droit international, l’ordre mercatorial[80].

Les Règles et Usances relatives aux crédits documentaires (RUUCD) firent l’objet d’une première publication en 1933 ; elles ont connu plusieurs révisions, en 1951, 1962, 1974, 1983[81], et pour la dernière en date, 1993, entrée en application le 1er janvier suivant[82].

42. Définition des crédits documentaires — Dans la mesure où l’on distingue essentiellement deux catégories de crédits documentaires, quoique l’on puisse ensuite affiner encore le classement en structurant des sous-catégories, voici comment l’on pourrait définir le crédit documentaire irrévocable et le crédit documentaire révocable[83].

Le crédit documentaire irrévocable porte engagement ferme[84] de la banque émettrice, qui, dans ses rapports avec le donneur d’ordre, consent un crédit à ce dernier, et dans ses rapports avec un tiers bénéficiaire (cocontractant commercial du donneur d’ordre), et par l’intermédiaire d’une autre banque (banque du bénéficiaire, dite notificatrice ou confirmatrice), se reconnaît débiteur principal d’une somme certaine et liquide, qui deviendra exigible sous diverses conditions suspensives, essentiellement, la remise de certains documents précisément visés au contrat et présentant une authenticité apparente[85].

Le crédit documentaire irrévocable est de loin le plus répandu, comme procurant au bénéficiaire la meilleure sûreté d’être payé[86]. Ainsi, l’art. 9, d), i., des RUU dispose que « sauf autrement prévu à l’art. 48 (relatif au crédit transférable), un crédit irrévocable ne peut être ni amendé ni annulé sans l’accord de la banque émettrice, de la banque confirmante s’il y en a une, et du bénéficiaire ».

Dans notre définition, nous avons distingué la banque émettrice, de la banque notificatrice et de la banque confirmatrice.

La banque émettrice, parfois dite apéritrice, est celle qui émet le crédit documentaire au profit du bénéficiaire, par l’intermédiaire de la banque de ce dernier. Les termes d’émettrice et d’apéritrice se veulent, appliqués à une banque, parfaitement synonymes[87].

En revanche, les termes de notificatrice et de confirmatrice ne sont pas synonymes. Précisément, il y a lieu de distinguer les deux notions, la seconde emportant des effets juridiques qui ne sont pas l’apanage de la première. En effet, il se peut que la banque du bénéficiaire se contente de notifier à ce dernier le crédit documentaire, après vérification de l’authenticité apparente des signatures et des pouvoirs des personnes qui ont procédé à l’émission ; auquel cas la banque du bénéficiaire est simplement dite notificatrice. Toutefois, lorsque le bénéficiaire émet des doutes sur la notoriété, la solvabilité de la banque émettrice, ou la fragilité du régime politique local, il lui appartient de solliciter de sa propre banque (originellement notificatrice), de garantir à son tour le paiement de la transaction : en termes bancaires, ladite banque procède, après appréciation souveraine, à la confirmation (ou non) dudit crédit ; la banque est alors dite confirmatrice.

Enfin, pour mémoire à ce stade de notre étude, relevons que les RUU prévoient plusieurs modalités de réalisation du crédit documentaire : par paiement à vue, paiement différé, acceptation ou négociation (notamment art. 10, a).

En second lieu, le crédit documentaire peut être révocable (art. 8, a).

Le crédit documentaire révocable autorise la banque émettrice, à amender ou annuler le crédit à tout moment, sans en avertir au préalable le bénéficiaire.

Nul n’est besoin de grandes explications pour traduire la désaffection des exportateurs pour ce type d’opération ! Simplement, Jean-Pierre MATTOUT observe qu’ils sont « utilisés entre commerçants se connaissant bien car les commissions bancaires sont moins élevées »[88].

43. Intérêts du crédit documentaire — Le crédit documentaire, en raison du principe de la séparation des marchandises et des documents[89], protège, d’une manière générale (seulement), l’exportateur contre tout litige relatif aux marchandises livrées. Corollairement, l’importateur établissant lui même la liste des documents et justificatifs par lui jugés utiles à la réalisation des diverses opérations de douane import, lui permet éventuellement de formuler les réserves nécessaires, auquel cas la banque émettrice ne paiera à la banque notificatrice que le prix des marchandises nettes de réserves.

Au plan international, pour les relations interbancaires, les banques se sont dotées d’un ingénieux système télématique, demeuré jusqu’ici inviolé[90], SWIFT[91], qui sauvegarde par un procédé de codage des données, la confidentialité des informations transitant sur ce réseau.

44. Reconnaissance et efficacité des RUUCD — Outre leur très large application par les opérateurs du commerce international, qui est là leur plus grande reconnaissance, la CNUDCI, par décision du 17 avril 1975, a, à l’unanimité de ses membres, chaleureusement recommandé l’adhésion aux RUUCD. Cette adhésion, naturellement facultative, peut être le fait, soit du système bancaire d’un Etat, soit d’un établissement bancaire particulier. En réalité, la totalité des systèmes bancaires d’Etats dans le Monde, ont opté pour la première voie, à la seule exception de la République Populaire de Chine… mais cette exception, en pratique, n’est plus, les grandes banques chinoises ayant adhéré aux RUUCD à titre personnel[92].

Enfin, pour faciliter son usage, directement auprès des praticiens, la CCI a mis en circulation des formulaires de crédits documentaires, largement utilisés. Tout cela est très satisfaisant pour l’unité et l’esprit de la matière.

45. Contexte général du recours au crédit documentaire — Comme toute opération commerciale internationale (le plus souvent une vente, mais pas forcément) nécessite un financement, le recours au crédit documentaire sera parfois envisagé.

Mais le crédit documentaire a un coût : les commissions bancaires que importateur et exportateur devront respectivement payer à leur banque (émettrice et notificatrice). Aussi, en raison du coût de ces commissions, le recours au crédit documentaire n’est pas conseillé pour les petites transactions ; en revanche, il est vivement recommandé à partir d’un certain seuil[93].

46. Domaines privilégiés du crédit documentaire — Le crédit documentaire est l’instrument privilégié du commerce international à court terme[94]. Cependant, il peut également être utilisé à d’autres fins, à moyen et long termes. Quant à son domaine de prédilection qui est la vente internationale, il n’est pas non plus exclusif de toute autre opération nécessitant le transfert d’importants capitaux.

47. Caractère supplétif des RUUCD — A priori, il est permis de penser que les RUUCD ne sont qu’un matériau contractuel proposé aux parties, un contrat-type, et rien de plus[95]. Egalement, à supposer que les RUUCD ne soient que des usages bancaires, surgit la difficulté de leur opposabilité aux opérateurs non bancaires, mais aussi à une banque qui ne serait pas adhérente[96]. Mais ces observations ne reflètent pas la réalité commerciale internationale et la manifeste influence des RUUCD.

Au contraire, à l’occasion d’une affaire S.A. Discount Bank c/ Téboul, par un arrêt du 14 octobre 1981, la Cour de cassation a sanctionné avec éclat, la violation des art. 1134 du Code civil et 3 des RUUCD, en cassant et annulant l’arrêt déféré, qui avait été rendu le 11 janvier 1980 par la 15ème Chambre de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence[97]. Dans l’hypothèse où le contrat commercial sous-jacent à la convention de crédit documentaire souffre d’une inexécution quelconque, la question soulevée dans la présente affaire, était de savoir, si le donneur d’ordre pouvait obtenir le blocage du crédit, jusqu’à ce que soit juridictionnellement arrêté le sort du contrat de base. La Cour d’appel, avait estimé que le donneur d’ordre pouvait parfaitement faire pratiquer une saisie-arrêt, en cas de non conformité des marchandises livrées, au regard du bon de commande. Cependant, la Juridiction suprême relève que le banquier s’était engagé « directement et irrévocablement » envers le bénéficiaire du crédit. En conséquence, l’engagement de la banque étant « ferme » et autonome par rapport au contrat de base, par application des dispositions de l’art. 1134 du Code civil (les conventions légalement formées tenant lieu de loi…), et sur le fondement de l’art. 3 des RUUCD, la Cour de cassation devait casser la décision d’appel. Les commentateurs de l’arrêt de cassation approuvent unanimement la solution[98], inscrite dans une piste qui avait déjà été tracée par MM. ESCARRA, EISENMANN, BONTOUX et DERAINS, ainsi que par quelques décisions rendues au fond[99].

Pour être tout à fait complet, ajoutons que sur la scène européenne et internationale, notamment, les droits positifs britannique, belge, allemand, autrichien, suisse, et italien, partagent cette solution[100] ; les Pays-Bas demeurent un peu plus nuancés[101].

48. Palliatifs des limites des RUUCD — Comme tout ce qui est écrit est figé, contrairement à la pratique, sans cesse nouvelle et revisitée, les RUUCD fixent un ensemble de règles, mais ne peuvent pas prévoir toutes les situations juridiques susceptibles de se présenter et de poser une difficulté juridique. Alors, l’on pourra procéder à diverses interprétations, à la lumière des principes généraux de la matière, ou solliciter un avis de la Commission des Techniques et Pratiques Bancaires de la CCI[102], ou consulter la jurisprudence de la International Court of Arbitration (ICA), mais aussi les jurisprudences (souvent proches ou identiques) d’importantes juridictions arbitrales, implantées notamment à Londres[103] et Paris.

Aux côtés des RUUCD, la CCI a récemment donné naissance à un nouveau bloc de règles : les Règles et usances uniformes relatives aux garanties sur demande (RUUGD).

                        2. Les RUUGD

49. Genèse des RUUGD — Une fois encore, la pratique internationale est à l’origine de la diversification des garanties contractuelles et spécialement des garanties à première demande. Jean-Pierre MATTOUT souligne que la fonction actuelle de ces garanties était il y a quelques décennies, assurée, dans une moindre mesure, par les dépôts en espèce ou en titres, qui n’étaient pas sans poser certaines difficultés[104]. Les cautionnements ont pris le relais en se substituant à cette pratique des dépôts. Puis, face aux renforcements qu’a connu le cautionnement dans les différents droits positifs nationaux, les opérateurs du commerce international ont préféré, autant que possible, s’en détourner, en créant de redoutables sûretés nouvelles : nous y sommes.

Ces sûretés nouvelles s’inscrivent naturellement dans une logique commerciale. Aussi, l’opérateur qui répond à une offre de contracter, pour attester de sa levée d’option, va émettre une garantie de soumission (bid bond ou tender bond) ; en cas de versement d’un acompte lors de la signature du contrat principal (vente internationale par ex.), celle des deux parties qui reçoit un acompte émettra au profit de l’autre, une garantie de restitution d’acompte (advance payment guarantee) ; pour garantir une obligation de faire, sera émise une garantie de bonne fin (performance bond) ; pour garantir une obligation de payer, sera émise un faux performance bond ; et pour la période postérieure à l’accomplissement final du contrat principal (après la livraison par ex.) est émise (par le vendeur) une garantie de dispense de retenue de garantie (retention money bond) (qui s’avérera utile en cas de demande de restitution du prix pour non conformité des marchandises)[105].

Pour donner vie à ces garanties, la pratique a créé quatre procédés : la garantie sur simple demande, la garantie à première demande justifiée, la garantie documentaire, ou la lettre de crédit stand by[106].

50. Echec de la première codification — Les quatre techniques de garantie ainsi créées par la pratique satisfaisaient largement les intérêts des bénéficiaires de ces garanties… mais un peu trop du point de vue des donneurs d’ordres. Aussi, en bon samaritain, la CCI ayant souhaité remédier à ce manifeste déséquilibre dans la sauvegarde des intérêts respectifs des importateurs et exportateurs, a élaboré les RUU pour les garanties contractuelles[108], qui placent ces garanties « à mi-chemin entre le cautionnement classique et la garantie à première demande »[109]. Mais ces règles, trop bien pensées en théorie, n’étant pas en phase avec la dure réalité du commerce, ne se sont vues choisies comme lex contractus que par quelques rarissimes opérateurs[110] ; en d’autres termes, globalement, elles demeurèrent lettre morte, même si, pour les besoins de la cause c’est-à-dire pour les rares opérateurs qui y avaient eu recours, la CCI ne les a pas purement et simplement apostasiées.

51. Nette amélioration de la seconde codification — C’est ainsi que la CCI en est venue à plancher sur un nouveau projet, qui a abouti en 1992 à la publication des RUU relatives aux garanties sur demande[111], dont l’un des piliers est indubitablement l’art. 20 qui, d’après les termes mêmes de sa rédaction, se veut supplétif de la volonté des parties (à l’instar des RUU relatives aux crédits documentaires), et aux termes duquel, si le bénéficiaire souhaite appeler la garantie en paiement, il doit néanmoins expressément indiquer au garant en quoi le donneur d’ordre a failli dans l’exécution des obligations dont il était débiteur en application des stipulations du contrat de base.

Jean-Pierre MATTOUT approuve cette solution qu’il juge équilibrée[112]. Nous aussi. Cependant, nous devons remarquer que la séparation théorique entre d’une part le contrat dit « de base », et d’autre part, le contrat de garantie, s’amincit encore, jusqu’à devenir presque invisible, dès lors que le bénéficiaire doit indiquer au garant en quoi le donneur d’ordre s’est avéré défaillant dans l’exécution du contrat « de base »…

52. La reine des garanties autonomes : la garantie à première demande — Les garanties en cause sont autonomes par rapport au contrat de base dont elles garantissent l’exécution. Mais, ainsi que nous venons de le voir, si cette autonomie, cette cloison étanche entre le contrat de base garanti, et le contrat de garantie lui-même, est hissée bien haut et proclamée avec exaltation[113], il n’en demeure pas moins vrai que cette « autonomie » est manifestement ténue : la CCI ayant voulu, et l’intention en est louable, que le garant ne soit pas appelé à tort et à travers, mais uniquement en cas de défaillance réelle du débiteur au contrat de base.

N’omettons pas que le garant, du chef du caractère autonome de ladite garantie, est débiteur principal du bénéficiaire (à l’inverse de la caution qui n’en est que le débiteur accessoire). C’est le caractère autonome de la garantie par rapport au contrat de base, qui permet de dire que le garant est débiteur principal.

A notre sens, se heurtent ici deux conceptions : la conception juridique objective qui devrait conduire à admettre que le concept de garantie autonome repose sur une pure fiction juridique et qui d’un point de vue juridique strict, n’est pas satisfaisante ; et la conception commerciale du marché pour laquelle la garantie autonome est la reine des sûretés, indispensable pour sécuriser une transaction entre des parties qui souvent ne se connaissent pas, ont leur siège social aux antipodes de la planète, et qui ont un besoin naturel d’être rassurées sur la bonne exécution du contrat. Alors, faut-il faire droit au raisonnement juridique puriste, ou répondre aux réalités du marché ? Sans hésitation, quoique juriste passionné, nous optons pour la seconde voie.

Pour en terminer sur ce point, nous rendrons hommage à Jean-Pierre MATTOUT en rapportant sa définition de la garantie à première demande[114] :

« La garantie à première demande est un engagement par lequel le garant, à la requête irrévocable d’un donneur d’ordre, accepte de payer en qualité de débiteur principal, sur simple demande, une somme d’argent à un bénéficiaire désigné, dans les termes et conditions stipulés dans la garantie, en renonçant par avance à exercer tout contrôle externe sur les conditions de mise en jeu de son engagement. »

53. Force obligatoire des RUUGD — Nous avons dit plus haut, que l’art. 20 des RUUGD, dans ses termes, se veut supplétif de la volonté des parties. Cela est exact. Cependant, tout dépendra de l’usage (au sens large) de ces Règles, qui en sera fait, d’une part par les opérateurs du commerce international, d’autre part, les arbitres, et de troisième part, les juges. Tout cela laisse, pour l’heure, un flottement certain à toute tentative de réponse qui pourrait être formulée dès à présent. Simplement, le recul d’une dizaine d’années permettra bientôt de faire état du taux d’application des RUUGD par les opérateurs, du degré obligatoire qui leur aura été conféré par les arbitres et les juges, avec peut-être une nuance entre les deux, mais pas forcément[115].

Par ailleurs, la CCI s’est associée à la CNUCED pour mettre à jour un corps de Règles qui aurait vocation à clarifier les modalités d’un type de transport qui a connu une véritable explosion économique, et qui continue de croître : le transport multimodal.

            C. Les Règles applicables aux documents de transport multimodal

54. Notion de transport combiné ou multimodal — Dans les années 1960, avec le développement de la conteneurisation, sont apparus de nouveaux termes contractuels, en dehors du découpage classique d’un transport de bout en bout, où chaque fraction du voyage (ferroviaire, maritime, fluviale, routière, aérienne) relevait d’un régime juridique propre. Depuis, une profession particulière, celle des entrepreneurs de transport multimodal (ETM), a pris en charge la réalisation de transports internationaux de bout en bout, sans rupture de charge, sous un titre de transport unique, et un régime juridique qu’il restait à unifier[116].

Mais encore fallait-il conceptualiser ce type de transports. Des termes ont été proposés : transport intermodal, mixte, combiné, multimodal. Martine REMOND-GOUILLOUD a justement fait observer que le terme « intermodal » présentait « une connotation plus économique »[117]. Quant au terme mixte, il est selon nous trop général, trop générique, dans la mesure où il n’évoque pas forcément directement le transport mettant en œuvre plusieurs modes de transport successifs sous un régime unique. Nous pensons au contraire que l’expression transport mixte renvoie à l’activité d’un navire transportant à la fois des passagers et des marchandises. Quant aux deux dernières propositions, le terme multimodal a manifestement recueilli les suffrages de la quasi totalité des juristes, et celui de combiné, ceux des opérateurs, peut-être simplement parce que ce dernier compte une syllabe de moins, et qu’il faut en matière commerciale, aller toujours très vite. Nous userons en conséquence indifféremment de l’un ou de l’autre de ces termes.

55. Premières réglementations de la matière — En 1975, la CCI a publié le fruit de ses travaux portant Règles uniformes pour un document de transport combiné[118]. Ces règles ont connu un franc succès auprès des ETM qui ont élaboré, à partir du modèle original, des polices-types de contrats de transports multimodaux[119].

Le 24 mai 1980, la CNUCED a adopté une Convention sur le transport multimodal international[120], qui prévoit essentiellement la responsabilité de plein droit de l’ETM depuis la prise en charge des marchandises jusqu’à leur livraison. Indirectement, ses préposés, mandataires et sous-traitants sont également responsables. Il s’agit d’une responsabilité pour faute ou négligence présumées, limitée dans son quantum avec des dispositions particulières suivant que lui soient imputés des pertes ou avaries d’une part, ou retards d’autre part[121]. Le texte n’est cependant pas encore entré en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications ou d’adhésions[122].

Pour faire face à ce retard à l’allumage, et à la fois moderniser les précédentes Règles de 1975, la CNUCED et la CCI se sont associées pour élaborer un nouveau corps de règles immédiatement applicables, reprenant pour l’essentiel, le contenu de la Convention CNUCED de 1980. Elles y parvinrent et adoptèrent le 11 juin 1991, les Règles applicables aux documents de transport multimodal (RDTM), qui furent publiées l’année suivante[123].

56. Objectifs des RDTM — La CNUCED et la CCI s’étaient assigné deux objectifs.

Le premier était de parvenir à concilier des intérêts contradictoires, à deux égards. D’une part, d’un point de vue institutionnel, ces règles ont été élaborées conjointement par la CNUCED et la CCI, la première étant plus proche des intérêts des Etats, la seconde, plus sensible aux prétentions des opérateurs commerciaux privés. Cette mixité originelle  est le gage d’un premier équilibre. Et d’autre part, les chirurgiens du texte avaient à concilier les intérêts des ETM avec ceux des chargeurs, en tenant compte des besoins de la pratique, bien que, à la suite d’Eric CAPRIOLI, l’on puisse regretter que si « ces règles devraient (…) avoir la faveur des pays chargeurs, les pays armateurs et les compagnies maritimes paraissent plus partagés »[124].

Le second objectif était de procéder à l’uniformisation des règles, à deux degrés : d’une part, en tentant d’unifier véritablement le régime juridique applicable aux documents de transports multimodaux, et d’autre part, en raison de la manifeste interaction des différents aspects d’une opération économique internationale (vente, transport, assurance, financement), en s’attachant à contribuer à l’uniformisation du droit commercial international dans son entier, transversalement, en veillant à la compatibilité des différents corps de règles, dès lors qu’ils sont appelés à cohabiter, par la force des choses, c’est-à-dire la réalité du marché[125].

57. Force obligatoire des RDTM — Les RDTM sont un matériau contractuel offert aux opérateurs pratiquant non seulement le transport multimodal proprement dit, mais encore à ceux ne pratiquant que le transport maritime, et même à ceux ne pratiquant que du transport unimodal (par opposition au multimodal)[126]. L’art. 2 définit ainsi le contrat de transport multimodal (pas forcément international, mais le plus souvent) : « le contrat de transport multimodal désigne un contrat unique pour le transport de marchandises par au moins deux modes de transport différents ». Elles n’acquièrent force obligatoire, inter partes, que si les parties ont choisi d’en faire leur loi contractuelle ; auquel cas, toute clause contraire aux dispositions des RDTM est nulle, à l’exception de celle qui aggraverait la responsabilité de l’ETM[127].

Dans ses rapports avec les droits nationaux et le droit international, en cas de conflit de règles, les RTDM s’inclinent devant les dispositions d’ordre public (art. 13).

Comme pour les RUUCD, il sera très bientôt possible de mesurer le degré d’application de ces règles par les opérateurs, et d’analyser les premiers fruits jurisprudentiels arbitraux et peut-être étatiques.

Au titre des codifications de la lex mercatoria, il nous faut encore évoquer les Principes relatifs aux contrats du commerce international, élaborés par l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT ou Institut de Rome[128]), plus communément appelés Principes d’UNIDROIT ou Principes UNIDROIT.

D. Les Principes UNIDROIT

58. Introduction — Les Principes UNIDROIT ou Principles of International Commercial Contracts (ci-après, les Principes) sont une merveille, un véritable Code de droit des obligations, mais un Code international[129]. Amorcés en 1971, les travaux d’élaboration de ce corpus de règles se sont vus couronner par l’approbation du Conseil de direction d’UNIDROIT, en mai 1994.

D’un point de vue méthodologique, les commentateurs des Principes, que sont BERAUDO, GIARDINA, KESSEDJIAN et LARROUMET, établissent chacun à leur manière un parallèle entre la mise en forme des Principes, et celle des Restatements[130]. Il est vrai que Principes et Restatements procèdent d’une œuvre de codification privée c’est-à-dire non étatique, non législative[131]. Sur la forme, il est vrai que Principes et Restatements exposent des règles, suivies de commentaires ampliatifs. Cependant, Catherine KESSEDJIAN regrette que les Principes n’aient pas été enrichis des Reporter’s notes, notes jurisprudentielles et doctrinales qui indiquent au juriste l’origine de la règle sus-énoncée[132]. Mais le souci de neutralité et de préservation du caractère « purement » international du texte, a peut-être enclin ses auteurs à ne pas faire référence à tel système de droit, de tel Etat, ou à telle jurisprudence arbitrale. Inversement, Catherine KESSEDJIAN en conclut, et elle n’a pas tort, que cette dissimulation des sources des règles exposées dans les Principes, ce manque de clarté, ternit au moins un peu leur image, ou, à tout le moins, rend leur éclat moins vif. Mais faut-il sacrifier l’homogénéisation des règles internationales sur l’autel de la publicité des solutions nationales, forcément particulières ? Nous ne le pensons pas. Les opérateurs, les arbitres, les juges, et peut-être les législateurs nationaux et internationaux en viendront-ils à plus ou moins long terme à faire leur, ce corps de règles, les consacrant ainsi de la plus belle des manières[133] ?

59. Objectif et intérêts des Principes — Le but des Principes est de proposer des solutions neutres, objectives équilibrées, tendant à régir, lato sensu, les contrats internationaux. Ces Principes, littéralement, transcendent la matière contractuelle. J.-P. BERAUDO l’exprime à sa manière en faisant valoir que les Principes constituent un « patrimoine commun au juriste d’entreprise, à l’avocat, à l’arbitre et au juge »[134]. Au travers de ces mots, transparaît une universalité certaine des Principes, une œuvre réellement transnationale.

A contrario, il s’agit ainsi de canaliser les différents législateurs, et de prévenir la diversification des systèmes et des règles contraires. Les Principes tentent d’attirer l’attention des législateurs vers la nécessité de construire des règles universelles, les échanges humains, à quelque niveau que ce soit, par la force des choses, se mondialisant un peu plus chaque jour. Or, force est de constater que les Principes ont atteint leur but. En effet, J.-P. BERAUDO note qu’ils édictent des « évidences ». « Mais, ajoute-t-il aussitôt, si le lecteur les perçoit ainsi, c’est qu’ils sont bons »[135] ! C.Q.F.D.

Quant à Andrea GIARDINA, elle ajoute à ce concert de louanges en observant que les Principes « ne manqueront pas d’apporter une contribution importante à la formation des règles généralement reconnues en matière de contrats internationaux »[136].

60. Champ d’application — Le Préambule des Principes est ainsi rédigé :

       « Les Principes qui suivent énoncent des règles générales propres à régir les contrats du commerce international.

       Ils s’appliquent lorsque les parties acceptent d’y soumettre leur contrat.

       Ils peuvent s’appliquer lorsque les parties acceptent que leur contrat soit régi par les « Principes généraux du droit », la « lex mercatoria » ou autre formule similaire.

       Ils peuvent apporter une solution lorsqu’il est impossible d’établir la règle pertinente de la loi applicable.

       Ils peuvent être utilisés afin d’interpréter ou de compléter d’autres instruments du droit international uniforme.

       Ils peuvent servir de modèle aux législateurs nationaux et internationaux. »

Leur champ d’application, ainsi défini, est on ne peut plus large, et c’est bien ainsi. C’est le corollaire de leur nature universelle.

61. Dispositions de fond — Nous ne saurions ici rendre toute la richesse du contenu des Principes. Aussi, renvoyons-nous le lecteur au texte des Principes.

Simplement, à titre de présentation générale au fond, nous ferons état en premier lieu, de quelques règles phares, que l’on n’ose appeler « principes » (sans majuscule !) :

—    le principe de la liberté contractuelle (art. 1.1) ;

—    le principe du respect des ordres publics (nationaux, supranationaux, internationaux) (art. 1.4) ;

—    le principe de bonne foi (art. 1.7 et 2.15) ;

—    le principe du respect par les parties des usages commerciaux (art. 1.8) ;

—    le principe de confidentialité (art. 2.16) ;

—    le principe de favor contractus[137] (art. 3.3) ;

—    le principe de la remise en état en cas d’annulation du contrat (art. 3.18) ;

—    …

62. Limites des Principes — Nous observerons en second lieu que la notion française de cause du contrat (art. 1131, s. du Code civil) a, en tant que telle, disparu[138]. Cependant, l’art. 3.1, c) des Principes précise que « les Principes ne traitent pas de l’immoralité ou de l’illicéité du contrat ». En d’autres termes, les parties sont renvoyées au droit national applicable soit choisi par elles, soit découlant de l’application des règles de conflit (que nous allons bientôt examiner), s’agissant de la nullité d’un contrat pour cause immorale ou illicite. Conformément aux dispositions de cet art. 3.1, les droits nationaux n’ont pas perdu tout leur empire : ils conservent à leur seule charge, les questions de capacité et de pouvoir [a) et b)] ; quant aux législateurs nationaux et internationaux, ils conservent le soin de statuer en matière de prescription[139].

63. Force obligatoire des Principes — D’une part, au regard des contrats internationaux, les opérateurs peuvent manifestement y recourir, en tout ou en partie, dès lors que, par définition, ils ne sont, pour l’heure, qu’un matériau contractuel[140] ; si bien qu’en l’état, en théorie, les parties pourraient valablement décider d’exclure tout article des Principes, en ce compris, ceux qui ne jouissent que d’un « caractère impératif auto-proclamé »[141]. De plus, se pose une question que nous avons déjà rencontrée : le renvoi à ce corps de règles par les parties contractantes, comme lex contractus, est-il exclusif de tout droit national ? Non, à deux égards[142]. En effet, les Principes eux-mêmes prévoient leurs propres limites, ainsi que nous venons de le voir. Donc, au mieux, les parties ne peuvent y avoir recours que pour partie de leurs relations contractuelles. Aussi, faudrait-il parler, de manière plus juste, de lois du contrat, au pluriel (« lois » au sens de règles). De plus, l’art. 1.4 des Principes prévoit que, en cas de conflit avec une règle quelconque d’ordre public, impérative (droits nationaux, supranationaux, international), les Principes devront s’incliner.

D’autre part, les arbitres peuvent recourir aux Principes[143], ainsi qu’il est dit aux alinéas 4 et 5 du Préambule ; sur ce point, il nous faut préciser que les arbitres de la CCI ne se sont pas privés d’appliquer les Principes UNIDROIT, et qu’ils leur ont brillamment accordé le crédit qu’ils méritent[144]. Se pose ici une question particulière : lorsque les arbitres feront application de ces règles, statueront-ils en équité ou en droit ? S’agissant de l’interprétation française, et au regard de l’arrêt précité, Valenciana, rendu par la Cour de cassation le 22 octobre 1991, il y a lieu de considérer que l’arbitre qui aura statué conformément aux dispositions des Principes UNIDROIT, aura statué en droit[145].

De troisième part, il est fort probable que les juges feront application des Principes, de leur propre chef, pour renforcer, surabondamment, la motivation de leur décision. Aussi, J.-P. BERAUDO, dont il faut rappeler que, notamment, il préside la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Grenoble, interroge-t-il : « Pourquoi ne pas les appliquer puisqu’ils expriment la sagesse judiciaire ? »[146].

64. Comparaison avec les Principes de droit européen du contrat — Le professeur LANDO a présidé une Commission pour le droit européen des contrats, créée à l’instigation de la Commission européenne, et qui a débouché sur la publication de Principes de droit européen du contrat en 1997[147]. Qualifiés de « sorte d’esperanto du droit des contrats » par M. RAYNARD[148], la faiblesse majeure de cette construction réside dans la dualité de ses objectifs qui tendent, pour l’un, à proposer un matériau contractuel aux contrats internationaux, et pour l’autre, envisagé sur un même plan, à proposer ce même matériau aux réglementations nationales des contrats internes : en quelque sorte, l’objectif ambitieux était de proposer une réglementation universelle des contrats en général et européens en particulier. La doctrine les a reçus de façon très réservée, à l’exception de M. BASEDOW.

Pour notre part, ce travail présente le mérite de proposer une nouvelle trame contractuelle aux opérateurs du commerce international. Nouvelle ? Les Principes UNIDROIT les ayant précédés s’étant déjà magistralement livrés à cet exercice en matière de contrats internationaux, il n’est pas sûr du tout que les Principes européens améliorent la matière. Par ailleurs, il est bien délicat de prétendre régler de la même manière des litiges nés de l’inexécution de contrats internes et ceux nés de l’inexécution de contrats internationaux. De plus, les contrats internes relèvent en principe de leur droit national. Or, au stade de l’évolution du droit européen, il est quelque peu prématuré de prétendre uniformiser tous les droits nationaux européens des contrats. Mais l’objectif est fort louable et doit, au moins à ce titre, être salué. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’à moyen terme, la Commission européenne prenne l’initiative de créer, en s’inspirant des Principes européens, un Code européen de droit des contrats, en distinguant nettement les contrats internes (entre parties ressortissantes d’Etats membres de l’Union européenne) d’une part, et les contrats internationaux (entre parties ressortissantes d’Etats membres de l’Union et issues d’Etats tiers) d’autre part ; au point que nous ne partageons pas l’avis de Jacques RAYNARD qui estime que ces Principes européens ne seraient qu’« une lex mercatoria à la mode européenne »[149], et considérons au contraire que ces principes européens ne sont qu’un galop d’essai vers l’uniformisation européenne du droit des contrats, ce qui faciliterait les relations commerciales intra européennes, même s’il n’est pas exclu qu’en pratique, certains opérateurs soient tentés de s’en inspirer pour rédiger leurs contrats, ou encore, certains législateurs nationaux soient tentés de réviser certaines dispositions de leur droit national à la lumière de ce texte.

Arrivant au terme de notre classification des éléments de la lex mercatoria, après avoir envisagé les usages, les principes transnationaux, et les codifications, il reste à dire quelques mots sur le ciment de la lex mercatoria : la jurisprudence arbitrale.

§ 4. LE RÔLE UNIFICATEUR DE LA JURISPRUDENCE ARBITRALE INTERNATIONALE

65. Renvoi — Semblable à cette tour de marbre blanc, haute de 135 mètres, qui sur ordre de PTOLÉMÉE II PHILADELPHE, fut élevée sur l’île de Pharos et guida les navires de 285 av. J.-C. jusqu’en 1302 (hommage est ainsi rendu au phare d’Alexandrie), la Chambre commerciale internationale guide largement l’évolution du droit positif en matière commerciale internationale, notamment via ses sentences, dont un grand nombre fait l’objet de publications. En effet, l’activité arbitrale de la CCI ne résume pas toute l’activité de cette dernière. Elle œuvre également en matière de conciliation, de référé pré-arbitral, d’expertise, et de modernisation ou de création de textes. Mais c’est uniquement sous l’angle de sa Cour d’arbitrage, International Court of Arbitration, que nous entendions ici l’évoquer[150].

Mais l’arbitrage commercial international n’est pas la chasse gardée de la Court ; ainsi que nous le verrons infra, d’autres instances telle la Chambre arbitrale maritime de Paris, remplissent avec dextérité leur mission.

Sur la juridiction arbitrale proprement dite, nous effectuons un renvoi au chapitre suivant où d’amples développements lui seront consacrés.

Quant aux sentences arbitrales, elles illustreront notre propos, en tant que de besoin.

Pour terminer en point d’orgue ce bref paragraphe, nous citerons quelques mots révélateurs de Jean-Pierre BERAUDO, magistrat de l’ordre judiciaire :

« Le contentieux des contrats internationaux est plus souvent confié à des arbitres que dévolu à des juridictions nationales. Les sentences arbitrales constituent donc une source du droit plus significative que la jurisprudence des tribunaux. »[151]

Conclusion sur la lex mercatoria

66. Constat de son existence — La lex mercatoria, certes diffuse par ses sources diront les uns, incomplète par son contenu feront valoir les autres, existe néanmoins manifestement. Elle constitue un outil précieux d’adaptation rapide, presque synchronisée avec non pas la pratique, mais les pratiques du commerce international, en perpétuelle évolution. De plus, comme elle est issue d’esprits maîtrisant de façon quasi parfaite leurs domaines d’interventions, elle ne peut qu’être en adéquation avec l’efficacité, la justice et la loyauté qu’impliquent l’exercice du commerce international. A titre d’exemple, les RUU relatives aux garanties à première demande, ou celles relatives aux crédits documentaires, ne connaissent nul égal en droit interne, pas plus qu’en droit international. Alors, l’argument qui était utilisé par les détracteurs de la lex mercatoria pourrait se retourner contre eux : en matière de garanties à première demande et de crédits documentaires, ce sont les législations nationales et le droit international qui sont « incomplets ». Mais cette démarche vaine et inutile ne sera pas la nôtre. Simplement, nous estimons que si les droits nationaux et le droit international ont une place et un rôle incontestables dans la réglementation des contrats commerciaux internationaux, en revanche, leurs méthodes d’élaboration ne sont pas à même de rendre compte de l’extrême diversité des pratiques transnationales, qui, au nom de la liberté contractuelle, sauf violation d’une règle d’ordre public (encore faudrait-il préciser lequel…), ne peuvent qu’être validées. Le rôle de la lex mercatoria ne pourra jamais être supplanté par les méthodes classiques d’élaboration du droit. La lex mercatoria permet de canaliser par la méthode douce (comme les principes UNIDROIT, les RUU ou les INCOTERMS) les usages du commerce international, et constitue ainsi cet indispensable trait d’union entre le droit proprement dit (c’est-à-dire les droits nationaux et le droit international) et les pratiques libres par principe, des opérateurs du commerce international. La lex mercatoria existe ; elle vit au contact du commerce international ; et elle montre aux droits classiques, la ligne réglementaire qu’il conviendrait d’adopter en certaines matières, en cas de « légifération ». Nécessairement, la lex mercatoria aura toujours un temps d’avance sur le droit. Vouloir nier son existence reviendrait à tuer le cheval à la tête de l’attelage entraînant le phaéton de la réglementation internationale.

67. Systématisation de la lex mercatoriaLa lex mercatoria, grâce à d’importants efforts de codification en certaines matières, grâce au souci de mettre en place une véritable jurisprudence arbitrale internationale, dont le phare serait la CCI, grâce encore à des apports doctrinaux tels que ceux de MM. GOLDMAN, FOUCHARD, GAILLARD, prend progressivement corps, se précise peu à peu, telle la silhouette d’un clipper sortant de la brume[152].

 


[1] Lex mercatoria désigne, mot pour mot, la loi du commerce : lex, legem, pouvant signifier tout autant la loi, que le contrat, la convention (ce qui permet de tracer un lien entre la loi émanant du législateur et le contrat entendu comme loi des parties) ; mercator signifiant quant à lui, commerçant, négociant, et mercatorius, mercatoria, mercatorium, de marchand, ou de commerce.

[2] B. GOLDMAN, Frontières du droit et lex mercatoria, Archives de philosophie du droit, 1964, p. 177, s.

[3] B. GOLDMAN, Règles de conflits, règles d’application immédiate et règles matérielles dans l’arbitrage commercial international, Travaux du Comité français de DIP, 1966-1969, p.      ; B. GOLDMAN, La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalités et perspectives, Clunet 1979, p. 746, s. ; Michel VIRALLY, Un tiers droit ? Réflexions théoriques, in Le droit des relations économiques internationales, Paris, 1982, p. 373 s. et 381 s. ; B. GOLDMAN, Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria, l’affaire Norsolor, Revue de l’arbitrage 1983, p. 379 s. ; Nouvelles réflexions sur la lex mercatoria, in Etudes LALIVE, 1993, p. 241, s.

[4] Jean-Denis BREDIN, La loi du juge, in Le droit des relations économiques internationales, Paris, 1982, p. 15, s. ; Paul LAGARDE, Approche critique de la lex mercatoria, in Le droit des relations économiques internationales, Paris, 1982, p. 135 s. ; A. KASSIS, Théorie générale des usages du commerce, Droit comparé, contrats et arbitrages internationaux, lex mercatoria, LGDJ, 1984 ; H. BATTIFOL et Paul LAGARDE, Droit international privé, tome 1, 7ème édition, LGDJ, spéc. p. 251, s.

[5] BREDIN, op. cit. spéc. p. 21, s.

[6] B. GOLDMAN, Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria, op. cit. spéc. n° 26, p. 406 ; v. aussi B. GOLDMAN, La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalité et perspectives, op. cit., p. 475 s. 

[7] Paul LAGARDE, Approche critique de la lex mercatoria, in Le droit des relations économiques internationales, op. cit. notamment pp. 133, 136 et 139.

[8] Formule empruntée à B. GOLDMAN, Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria, op. cit. spéc. n° 26, p. 406, in fine.

[9] Néanmoins, la societas mercatorum dispose manifestement :

— de ses propres institutions visant en particulier à codifier la lex mercatoria, mais également à en assurer l’application : v. B. GOLDMAN, Règles de conflits, règles d’application immédiate et règles matérielles dans l’arbitrage commercial international, op. cit., p.       ;

— mais aussi de certains moyens de coercition : v. B. GOLDMAN, Frontières du droit et lex mercatoria, op. cit. p. 177, ainsi que Philippe FOUCHARD, L’arbitrage commercial international, Paris, 1965, p. 466 s.

[10] H. BATTIFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 251.

[11] B. GOLDMAN, Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria, op. cit. p. 407.

[12] Pour une synthèse assez récente de la question, v. aussi, Emmanuel GAILLARD, Trente ans de Lex mercatoria. Pour une application sélective de la méthode des principes généraux du droit, JDI 1995, p. 5 à 30. Après avoir constaté que « pour suivre l’aventure de la lex mercatoria, il faut parler toutes les langues » (v. les nombreuses références étrangères citées), l’auteur, en toute objectivité (ce qui est rare pour les études consacrées à ce sujet), examine les utilisations contestables de ce qu’il convient d’appeler les « règles transnationales », puis fait état des applications légitimes de ces règles qui « résultent d’une méthode et non d’une liste » (n° 28, s. , p. 21, s.) ; enfin, logiquement, il s’intéresse à leur contenu en éclairant ladite méthode, faisant justement observer que « le support de droit comparé des règles transnationales n’a pas à être absolu » (n° 33, s. , p. 26, s.).

[13] Civ. 1ère, 30 mars 1999, Juris-Data n° 001371, Contrats, concurrence, consommation, juillet-août 1999, p. 13. En l’espèce, « un usage s’était instauré entre les parties, en relation d’affaires depuis plusieurs années », eu égard aux caractéristiques des marchandises vendues, et plus particulièrement, au caractère traité ou non traité de semences agricoles.

[14] NCPC, Livre IV (l’arbitrage), titre V (l’arbitrage international), art. 1492 à 1497.

[15] Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus… En conséquence, le Code civil ne distinguant pas entre les usages inter partes, les usages de la branche commerciale considérée, les usages internes ou les usages internationaux, il y a lieu de considérer qu’il vise les usages au sens le plus large.

[16] C. civ. art. 1159.

[17] C. civ. art. 1160.

[18] Uniform Commercial Code, section 1-205, § 2 : « On entend par « usages du commerce » une pratique ou une habitude observée si régulièrement dans un lieu, une profession ou une branche du commerce que l’on peut s’attendre à ce qu’elle soit observée dans la transaction en question ».

[19] En ce sens, v. Philippe FOUCHARD, L’Etat face aux usages du commerce international, Travaux du Comité français de DIP, 1973-1975, p. 71 à 102, spéc. p. 73.

[20] CE, 15 décembre 1972, Gaz. Pal. 1973.I.432. En l’espèce, les usages commerciaux en cause étaient relatifs à la dénomination des produits, pour la répression des fraudes.

[21] Sentence CCI, 1994, n° 7331, JDI 1995, p. 1001, s. et spéc. p. 1002. V. aussi, sentence CCI, 1979, n° 3267, JDI 1980.

[22] En la matière, la France est dotée d’une autorité de « nommage » (néologisme !), qui a élaboré une « charte de nommage » : l’AFNIC ou « Association française pour le nommage Internet en communication ».

[23] TGI Paris, 23 mars 1999, Gaz. Pal. 1999.III. n° 204, sommaires annotés, p. 50, note Marie Emmanuelle HAAS ; commentaire, Anne COUSIN, De la tradition et de la modernité, de la coutume sur Internet, Gaz. Pal. 2000, doctrine, p. 13. ; pour la procédure de référé antérieure à la procédure au fond, v. TGI Paris, ordonnance du 12 mars 1998, D 1998, IR, p. 173 ; CA Paris, ordonnance de référé du 4 décembre 1998, Gaz. Pal. 1999.II. n° 108 à 110, sommaires annotés, p. 50, note Marie Emmanuelle HAAS.

[24] Le terme « documentaire » nous semble convenir à la qualification de cette catégorie d’usages, dès lors que le terme instrumentum, en son troisième sens étymologique, désigne les actes, pièces, documents ; et c’est dans cette catégorie des usages documentaires que nous classerions la règle dite du « premier arrivé premier servi », comme relevant des usages du commerce à support électronique. Par ailleurs, il est intéressant de constater que les supports documentaires, dans l’histoire de l’homme auront connu, jusqu’à présent, une évolution en trois phases : une phase primitive qui est celle des rouleaux de papyrus, puis une phase moderne qui est celle des codex ou premiers livres, et enfin la révolution des documents à support électronique ou e-documents, e-books. Tout n’est qu’histoire de support…

[25] Ph. DELEBECQUE, op. cit. n° 147, p. 86 ; et aussi, E. GAILLARD, Trente ans de lex mercatoria Pour une application sélective de la méthode des principes généraux du droit, préc. spéc. p. 26.

[26] Ph. DELEBECQUE, ibid. p. 87, et la note 1.

[27] Le plus souvent seulement, car, ainsi que le relève notamment Emmanuel GAILLARD, « l’analyse de la pratique arbitrale révèle que certaines utilisations de (la méthode des règles transnationales) sont éminemment contestables, alors que d’autres apparaissent parfaitement légitimes ». L’auteur développe ensuite des exemples de chacun de ces deux aspects : ibid. n° 8, s. p. 9 s.

[28] V. en ce sens, Ph. DELEBECQUE, op. cit. n° 143, p. 83.

[29] Sur le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, v. notamment l’étude de G. DELAUME, JDI 1982, p. 775, s.

[30] Résolution de la session d’Athènes, septembre 1979, article 2 : RCDIP 1980, spéc. p. 427, in fine.

[31] Résolution de la session de Bâle, 31 août 1991, préambule, alinéa 4 : RCDIP 1992, spéc. p. 198.

[32] Sentence CCI, 1er septembre 1988, Rev. arb. 1990, p. 701 ; en appel : Paris, 13 juillet 1989, Rev. arb. 1990, p. 663, note P. LAGARDE ; RCDIP 1990, p. 305, note B. OPPETIT ; JDI 1990, p. 430, note B. GOLDMAN ; pourvoi en cassation : Civ. 1ère, 22 octobre 1991, RCDIP 1992, p. 113 à 116, obs. Bruno OPPETIT ; JDI 1992, p. 177 à 186, note B. GOLDMAN ; Rev. arb. 1992, p. 457 à 461, note P. LAGARDE.

[33] Sentence CCI, 1er décembre 1989 ; en appel : Paris, 24 janvier 1991, inédit.

[34] Paul LAGARDE, note sous Civ. 1ère, 22 octobre 1991, Rev. arb. 1992, spéc. n° 4, p. 460, in fine.

[35] D’une part, l’International Law Association (ILA) a formulé la « recommandation » suivante :

« Le fait qu’un arbitre international ait fondé une sentence sur des règles transnationales (principes généraux du droit, droit international, usages du commerce, etc.) plutôt que sur le droit d’un Etat déterminé ne devrait pas, à lui seul, affecter la validité ou le caractère exécutoire de la sentence :

(1) lorsque les parties se sont accordées pour que l’arbitre applique des règles transnationales ; ou

(2) lorsque les parties sont demeurées silencieuses sur le droit applicable. » ;

Et d’autre part, l’ILA  a invité le Comité à « poursuivre ses travaux sur le contenu et la mise en œuvre de règles transnationales spécifiques ». Rev. arb. 1994, p. 211 à 214, obs. Emmanuel GAILLARD, ès-qualité de Président du Comité de l’arbitrage de l’ILA ; v. aussi, B. OPPETIT, Les principes généraux en droit international privé, in Archives de Philosophie du droit 1987, tome 32, p. 179 ; Dominique BUREAU, Les sources informelles du droit dans les relations privées internationales, thèse sur microfiches, Paris II, 1992 ; Tangui VANDENPUT, La lex mercatoria, acte du séminaire sur les ventes internationales et les transports, tenu à LOUVAIN, 1991-1992, spéc. p. 9, s. ; Petra HAMMJE, La contribution des principes généraux du droit à la formation du droit international privé, thèse sur microfiches, Paris I, 1994 ; en faveur des principes transnationaux comme « garants de valeurs matérielles essentielles », la chronique d’Horatia MUIR WATT, Les principes généraux en droit international privé français, JDI 1997, p. 403 à 415, spéc. p. 410, s. et les références citées.

Nous ne sommes donc encore qu’au début de l’ère juridique transnationale…

[36] Il s’agit d’une application transnationale du vieil adage (les conventions doivent être respectées) hérité des Décrétales de Grégoire IX, I, 35, 1, et qui trouve de nombreuses autres applications, notamment à l’article 1134 du Code civil français. Cette règle porte les fondements de la morale contractuelle.

[37] Ph. KHAN, Les principes généraux du droit devant les arbitres du commerce international, JDI 1989, p. 305 à 327 ; P. MAYER, Le principe de bonne foi devant les arbitres du commerce international, Etudes LALIVE, p. 543.

[38] E. GAILLARD, L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui comme principe général du droit du commerce international, Rev. arb. 1985, p. 241 ; Ph. KHAN, Les principes généraux du droit devant les arbitres du commerce international, préc. ; P. BOWDEN, L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui (estoppel) as a substantive transnational rule in international commercial arbitration, Publication CCI 1993, p. 125 ; V. Philippe PINSOLLE, Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans le droit du commerce international, JDI 1998, p. 905 à 931.

[39] Sur tous ces principes, v. Publication CCI n° 480/4, 280 p., 1994 ; Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, spéc. p. 825, s. ; J. PAULSSON, La lex mercatoria dans l’arbitrage CCI, Rev. arb. 1990, p. 55, s. et spéc. p. 78, s.

[40] V. AMAR et KIMBROUGH, Esprit de géométrie, esprit de finesse ou l’acceptation du mot raisonnable dans les contrats de droit privé américains, DPCI 1983, p. 43 à 56 ; Vincente FORTIER, Le contrat international à l’aune du raisonnable, JDI 1996, p. 315 à 379.

[41] Sur ces deux points, v. E. GAILLARD, présentation de la résolution de l’ILA précitée, rev. arb. 1994, spéc. p. 214.

[42] V. supra, n° XX.

[43] V. par ex. J. STOUFFLET, L’œuvre normative de la Chambre de commerce internationale dans le domaine bancaire, Etudes GOLDMAN, Litec 1982, p. 631, s.

[44] Les E-Terms seront des termes commerciaux internationaux électroniques : v. ICC, ETERMS Repository Guidebook, Draft v.0.2, International Commercial Policy and Techniques, Doc. N° E100/INT.3, november the 21rst. L’objectif des ETERMS est de constituer une base de données qui définira notamment des termes commerciaux sur le modèle des Incoterms, ainsi que des best practice rules (meilleures règles de pratique).

[45] Cost, insurance and freight (coût, assurance et fret, ou CAF), et Free on board (franco bord) ; sur ces Incoterms, v. infra, n° XXX et XXX.

[46] Delivered duty unpaid (rendu droits non acquittés) ; sur cet INCOTERM, introduit à l’occasion de la réforme de 1990, v. infra, n° XXX.

[47] CCI, Publication n° 325 ; v. infra, n° XXX, s.

[48] V. notamment F. EISENMANN et Y. DERAINS, La pratique des INCOTERMS, Jupiter LGDJ, 1988 ; Coralie GHYSELEN et Isabelle ZOMBECK, La problématique des ventes à l’embarquement, séminaire sur les ventes internationales et les transports, Louvain, 1991-1992, 134 p. ; Christophe GREGOIRE, Les ventes au débarquement, séminaire sur les ventes internationales et les transports, Louvain, 1991-1992, 43 p. ; Christian DIERYCK, Les INCOTERMS, thèmes et réflexions, séminaire sur les ventes internationales et les transports, Louvain, 1991-1992, 17 p. ; J. RAMBERG, INCOTERMS 1990 in relation to contracts of sale, carriage, insurance and financien, séminaire sur les ventes internationales et les transports, Louvain, 1991-1992, 38 p.

[49] Sur ces notions de chargeur, transporteur et intéressés au contrat de transport maritime, v. infra, n° XXX, s., XXX, s. et XXX, s.

[50] FI = free in = mise à bord à la charge du chargeur ;

FO = free out = frais de déchargement à la charge du réceptionnaire ;

FIO = free in & out = le taux de fret est exclusif des frais de chargement et déchargement du navire, qui demeurent respectivement à la charge du chargeur et du réceptionnaire de la marchandise.

Le terme FIO comporte deux variantes :

FIOS = free in & out & stowed = l’arrimage n’est pas non plus compris dans le taux de fret ;

FIOST= free in & out & stowed & trimmed = le nivelage des marchandises (vrac) n’est pas non plus compris dans le taux de fret.

Un taux de fret FIO ne comporte ainsi, que le prix du transport maritime, à l’exclusion des frais de manutention, étant entendu que le terme « manutention » ne vise strictement que les opérations réalisées dans le « périmètre du navire » (sur la relativité de la notion de périmètre du navire, notamment au regard des usages portuaires, v. LAMY, Transports, tome 2, op. cit., n° 559). Mais en raison de l’extrême complexité des phases de chargement et déchargement (les auteurs du LAMY recensent pas moins de 20 éléments pour la procédure de chargement d’un conteneur à l’exportation : v. n° 557), les hypothèses de répartition des coûts et des risques étant multiples, nous renvoyons le lecteur aux développements du LAMY qui tente de faire état des termes de fret les plus couramment pratiqués (v. n° 558 et tableau p. 379).

[51] Empotage et/ou chargement, pré-acheminement, formalités import, manutention départ, transport principal, assurance, manutention arrivée, douane import, post-acheminement, dépotage et/ou déchargement.

[52] Sur les clauses de réserve de propriété, v. infra, n° XXX, s.

[53] V. les formalités de publicité, par ex. suite à la cession d’un fonds de commerce (v. Y. GUYON, Droit des affaires, tome 1, 8ème éd. 1994, Economica, spéc. n° 705, p. 718, s.), d’un navire : il est nécessaire de porter sur la fiche matricule du navire, le nom du ou des nouveaux propriétaires, et la date de la cession (art. 88, s. du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967) ; A. VIALARD, op. cit. n° 345, pp. 292 et 293 ; comp. sur la critique de la distinction entre le transfert de propriété et l’opposabilité aux tiers, les observations de J. FLOUR : « La distinction n’est-elle pas artificielle, dès lors que l’objet du contrat est de transférer ou de constituer un droit dont le propre est d’être opposable à tous ? Pour un contrat constitutif ou translatif de droit réel, il revient au même de ne pas exister ou de ne pas être opposable » : Quelques remarques sur l’évolution du formalisme, Etudes RIPERT, LGDJ 1951, tome 1, p. 93, s., spéc. p. 102.

[54] Simplement, le Code civil indique que « l’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes » (art. 1138, alinéa 1er) ; en outre (alinéa 2), « elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée (…) ». Propriété, risques et livraison sont donc intimement liés… V. aussi : MALAURIE et AYNES, Les contrats spéciaux, Cujas 1994/1995, n° 252, p. 172.

[55] A. VIALARD, op. cit. n° 324, p. 278. Au paragraphe suivant (n° 325, et la note 2), notre professeur incline fortement en faveur de ce « découplage » du tandem propriété/risques, et propose une hypothèse avantageuse pour les chantiers navals : insérer au contrat de construction, une clause qui aura pour effet de transférer immédiatement la (totalité de la) propriété du navire au client armateur, en conservant la charge des risques ; ainsi, l’armateur étant propriétaire, le chantier naval, pour s’assurer de son paiement, peut faire inscrire une hypothèque maritime sur le navire en construction.

[56] Par ex., il est constant que les opérateurs Américains (des USA) affectionnent les Revised American Foreign Trade Definitions 1941 (RAFTD), qui prévoient notamment six variétés de ventes FOB « couvrant pratiquement tout l’éventail des Incoterms, depuis l’EXW jusqu’au DDP » ! (LAMY, op. cit. notamment, n° 196, b), p. 134.

[57] Suite à la réforme des services de manutention portuaire et à la création du nouveau « FOB Dunkerque », diligentées par Bruno VERGOBBI ès-qualité de Directeur général du port autonome, cette institution, malgré la perte du trafic trans-Manche, a connu en 1998, une hausse d’activité de 7,3  % et a accueilli 3.200 navires, soit une moyenne de 267 navires/jour, ce qui est considérable ; aussi, parmi les taux de croissance les plus spectaculaires, l’on citera une hausse de 47,8 % d’import de marchandises diverses (par conteneurs), et une hausse de 31,2 % d’export d’hydrocarbures (source : Annuaire statistique du Port autonome de Dunkerque 1998, éd. mars 1999, spéc. pp. 14 et 15).

[58] Ex Works, named place = vente départ usine, lieu convenu.

[59] Free Carrier, named place = vente franco transporteur, lieu convenu.

[60] Paul-Marie RIVOALEN (Directeur des transports de VALLOUREC & MANNESMAN TUBES), INCOTERMS 2000, nouvel instrument de concurrence portuaire, BTL 2000, pp. 26 et 27.

[61] Free Alongside ship, named port of shipment = vente franco le long du navire, port d’embarquement convenu.

[62] V. RAFTD précité. Les Américains connaissent également le term « III FAS » qui, selon le contexte contractuel, peut signifier : franco entrepôt, franco le long de la péniche, ou franco le long du wagon (v. LAMY, op. cit. n° 192, p. 130).

[63] Paul-Marie RIVOALEN, op. cit.

[64] Free on board, named port of shipment = vente franco bord, port d’embarquement convenu.

[65] Free on board, United Kingdom = vente franco bord, au départ d’un port quelconque du Royaume Uni.

[66] Cost and freight, named port of destination = vente coût et fret, port de destination convenu.

[67] Sur l’assurance sur facultés, v. infra, n° XXX.

[68] CFR landed = déchargement/mise à quai à la charge du vendeur ;

CFR customs duties paid = déchargement, puis droits de douane import à la charge du vendeur ;

CFR cleared = déchargement puis, droits de douane import, taxes consulaires et autres frais liés à l’importation à la charge du vendeur.

[69] Cost, insurance and freight, named port of destination = vente coût, assurance et fret (CAF en français), port de destination convenu.

[70] V. LAMY, op. cit. n° 220.

[71] Carriage paid to, named place of destination = vente port payé jusqu’au lieu de destination convenu.

[72] Carriage and insurance paid to, named place of destination = vente port et assurance payés jusqu’au lieu de destination convenu.

[73] Delivered at frontier, named place = vente « rendu » ou « livré » à la frontière (marchandises livrées à la frontière), au lieu convenu.

[74] Delivered ex ship, named port of destination = vente « rendu sur navire », au port de destination convenu.

[75] Delivered ex quay, named port of destination = vente « rendu à quai », au port de destination convenu.

[76] Delivered duty unpaid, named place of destination = vente « rendu droits non acquittés » au lieu de destination convenu.

[77] Delivered duty paid, named place of destination = vente « rendu droits acquittés » au lieu de destination convenu.

[78] Sur la notion fondamentale de livraison, v. infra, n° XXX, s.

[79] V. Uniform Commercial Code, art. 5. Toutefois, ce Code n’est pas applicable dans l’Etat de New York, et de surcroît, doit s’effacer en cas de conflit avec les RUUCD… ; v. sur ce dernier point : Carl-W-Funk, Harward Law Journal, Winter 1965, p. 88, s.

[80] Le terme mercatorial (néologisme de notre cru) est séduisant phonétiquement, et présente le double avantage, d’une part, de se nourrir essentiellement de la racine latine, évoquant directement pour le juriste, la lex mercatoria, et d’autre part, d’être directement utilisable en d’autres langues, notamment en anglais.

[81] La réforme de 1983 avait été un vaste chantier dans la mesure où elle s’était assignée plusieurs objectifs, d’ailleurs pleinement atteints : intégrer le crédit documentaire à paiement différé ainsi que le crédit stand by, et mettre à jour, à la lumière des nouvelles technologies, les articles relatifs aux documents de transport, aux modes d’établissement et de reproduction des documents.

[82] V. le texte des RUUCD ou RUU 500 : Publication CCI n° 500, ISBN 92.842.1155.7 (E), ISBN 92.842.2155.2 (F), disponible auprès de : ICC Publishing S.A., 38 cours Albert Ier, 75008 Paris ; v. aussi : Brochure CCI et AFB (Association Française des Banques) n° 511, relative aux modifications apportées par la nouvelle version des RUUCD, tendant à simplifier les Règles.

[83] Sur la distinction, v. RUU, art. 6, a), et la présomption (non pas légale mais mercatoriale) de ce que le contrat ne précisant pas si le crédit est révocable ou irrévocable, sera réputé irrévocable (art. 6, c). Notons également que, face au peu d’intérêt des opérateurs pour les crédits documentaires révocables, la version des RUUCD de 1993 a inversé l’ancienne présomption (RUU 400, art. 7) qui prévoyait au contraire que, dans le silence des parties sur ce point, le crédit documentaire serait présumé révocable.

[84] L’expression « engagement ferme » est issue de l’art. 9, a) des RUUCD.

[85] L’expression « authenticité apparente » est issue de l’art. 7, a), des RUUCD.

[86] V. KEEREN, Le crédit irrévocable, Revue de la Banque 1952, p. 452, s. ; J.-P. MATTOUT, Droit bancaire international, 2ème éd., spéc. n° 256-2, s., p. 206, s.

[87] Notons cependant que le terme apéritrice (qui vient du latin aperire signifiant ouvrir le chemin, donner un avis, inaugurer), est plus communément utilisé en matière d’assurances et plus particulièrement de coassurance (v. art. L. 352-1 et R. 351-2 et s. du Code des assurances) où effectivement, une seule société d’assurance devient le correspondant privilégié de l’assuré, parlant au nom (ouvrant le chemin…) de ses confrères coassurant le même client. Sur la coassurance, v. infra, n° XXX, s.

[88] J.-P. MATTOUT, op. cit. note 1, p. 205.

[89] RUUCD, art. 3, a) : « Les crédits sont, par leur nature, des transactions distinctes des ventes ou autre(s) contrat(s) qui peuvent en former la base. Les banques ne sont en aucune façon concernées ou liées par ce(s) contrat(s). (…) ».

[90] Contrairement à celui des cartes bleues, qui défraye la chronique, via la communication d’un code d’accès long de 96 chiffres, dont on disait qu’il était inviolable mais qui manifestement, circule librement sur l’Internet… v. notamment : Clause SOULA, interview de Charles COPIN, « Cartes à puces : panique dans les banques ! La carte à puce n’est plus inviolable. Sa technologie est dépassée », Nouvel Observateur, n° 1845 du 16 au 22 mars 2000, p. 84 ; et pour la première décision faisant application, notamment, des dispositions de l’art. 67-1 du décret-loi du 30 octobre 1935 unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux cartes de paiement, modifié (loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991), disposant que seront punis d’un emprisonnement de sept ans et d’une amende de 5.000.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement, « ceux qui auront contrefait ou falsifié une carte de paiement ou de retrait » : Tribunal correctionnel de Paris, 25 février 2000, D 2000, p. 219, s. obs. Xavier DELPECH.

[91] Sur le système SWIFT, du nom de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), société de droit belge, v. J.-P. MATTOUT, op. cit. n° 394, s., spéc. n° 397, s., p. 308 et 309, s.

[92] Zhicheng ZHU, Documentary credit practice in the People’s Republic of China, CCI, 12ème Conférence bancaire, 26 octobre 1989.

[93] Jean-Marc BENNAMAR estime ce seuil entre 50.000 et 200.000 FF, c’est-à-dire entre environ 7.620 et 30.490 euros (sur la base de conversion de 1 euro = 6,55957 FF) : Le crédit documentaire, Sefi 1997, p. 10.

[94] J.-P. MATTOUT, op. cit. n° 247, p. 196.

[95] En ce sens, v. J. STOUFFLET, op. cit., n° 107, s.

[96] V. le Commentaire officiel des Règles et Usances, Banque 1957, p. 65 et 189. Dans l’hypothèse où la banque émettrice n’aurait pas adhéré aux RUUCD, la Commission des Techniques et Pratiques bancaires de la CCI considère comme critère majeur d’appréciation, le lieu du paiement.

[97] Cass. com. 14 octobre 1981, D 1982, p. 301, obs. VASSEUR ; JCP 1982.II.19815, obs. Ch. GAVALDA et J. STOUFFLET ; Banque 1982, p. 524, obs. MARTIN.

[98] « (…) on peut (…) considérer que (…), la Cour de cassation a entendu implicitement, mais quasi solennellement, (reconnaître aux RUUCD), à juste titre, le caractère de véritables règles coutumières, étant bien entendu qu’est donné ici à cette expression de « règle coutumière » son plein sens de règle de Droit, dégagée des pratiques habituellement suivies dans un milieu donné et obligatoire, indépendamment de toute intervention du législateur » : M. VASSEUR, op. cit. n° 1, p. 301.

[99] Doctrine : J. ESCARRA, Cours de droit commercial, Sirey, 1952, spéc. p. 994 ; EISENMANN et BONTOUX, Le crédit documentaire, 1976, spéc. p. 119, s. ; Y. DERAINS, JDI 1979, spéc. p. 1001 ; décisions au fond : v. par ex. Paris, 8 mars 1976, DMF 1976, p. 558 et RJC 1977, p. 72, note LE GUIDEC.

[100] V. les nombreuses références citées par Michel VASSEUR, D 1982, note 2, p. 302, dans sa note sous Cass. com. 14 octobre 1981 préc.

[101] V. la position du droit néerlandais, Hoge RAAD, RDAI 1985, p. 879, s.

[102] V. le Commentaire officiel des Règles et Usances, précité. V. sur ce point, J. STOUFFLET, Le crédit documentaire, spéc. n° 118, qui souligne le caractère indicatif de cet avis, en s’y ralliant toutefois.

[103] Sur la jurisprudence arbitrale anglaise en matière de crédit documentaire, v. J. STOUFFLET, op. cit. n° 96, s.

[104] V. J.-P. MATTOUT, op. cit. n° 197, p. 146.

[105] Idem, n° 197 et 198, p. 146 à 149.

[106] Idem, n° 200, p. 150, s. Sur les circonstances particulières de l’apparition des lettres de crédit stand by, en réaction à l’interdiction d’émettre des cautionnements, dont avaient été frappées les banques américaines (principe de no-guaranty), v. notamment B. et D. WUNNICKE, Stand-by letters of credit, éd. Wiley 1993, et J. RIGGS, La lettre de crédit « stand-by » en tant que garantie bancaire aux Etats-Unis, RDAI 1990, p. 393, s.

[107]

[108] CCI, Publication n° 325 ; DPCI 1980 p. 713.

[109] J.-P. MATTOUT, op. cit. p. 151.

[110] V. Paris, 13 décembre 1984, Banque 1985, p. 93, obs. RIVES-LANGES ; puis sur pourvoi : Cass. com. 10 mars 1987, D 1987.IR.172, obs. VASSEUR ; v. aussi Sentence CCI n° 5639, JDI 1987, p. 1054.

[111] CCI, Publication n° 458, mai 1992.

[112] J.-P. MATTOUT, op. cit., n° 200 bis, p. 152. L’auteur ajoute que les RUUGD « apportent également des solutions satisfaisantes à de nombreux problèmes tels que les demandes de prorogation ou de paiement (art. 26), le droit applicable (art. 27), la durée de l’engagement (art. 18 et 22). (…) On pourra cependant regretter que le régime de la contregarantie n’ait été traité que par ellipse ».

[113] RUUGD, art. 2, b).

[114] J.-P. MATTOUT, op. cit. n° 203, p. 155.

[115] V. Eric A. CAPRIOLI, Le crédit documentaire, évolutions et perspectives, Paris, Litec 1992, Bibl. de droit de l’entreprise, tome 27.

[116] L. PEYREFITTE, Le régime juridique des transports combinés de marchandises, DMF 1973, p. 643 à 649, et 707 à 711.

[117] M. REMOND-GOUILLOUD, Droit maritime, Pédone 1988, n° 601, note 44. En son sens, nous ajouterons que, d’un point de vue étymologique, la racine latine inter signifie : entre, dans, au milieu de, dans l’espace de, parmi. Appliqué à l’économie, qui met l’accent sur les liens entre les opérateurs économiques, le préfixe inter a sa place. Appliqué à un transport que l’on veut juridiquement unifié, et non pas morcelé, le préfixe inter, non seulement produit l’effet inverse au but recherché, mais encore, ne semble désigner, dans le temps, que les moments précis où la marchandise change de mode de transport, cette dernière étant entre deux modes de transport… Le terme « intermodal » ne pouvait effectivement qu’être rejeté.

[118] CCI, Publication n° 298. V. également, sur les travaux antérieurs d’UNIDROIT et du CMI (Comité maritime international) : H. SCHADEE, Petite polémologie sur le dernier projet de Convention internationale sur le transport international combiné de marchandises, DMF 1970, p. 540, s. ; C. LEGENDRE, La Conférence de Tokyo du CMI, DMF 1969, p. 451 à 456 et 515 à 517 ; texte du projet CMI : DMF 1969, p. 467, s.

[119] V. par ex. le connaissement FIATA, ou encore le connaissement négociable BIMCO, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.

[120] Juris-Classeur com. V° Transport combiné, fasc. 856. V. aussi les observations sceptiques du Doyen RODIERE vis-à-vis de ce texte : DMF 1981, p. 6. L’art. 1er, § 1, de la Convention, définit le transport multimodal international comme « le transport de marchandises effectué par au moins deux modes de transport différents, en vertu d’un contrat de transport multimodal, à partir d’un lieu situé dans un pays où les marchandises sont prises en charge par l’ETM jusqu’au lieu désigné par la livraison dans un pays différent ».

[121] En cas de perte ou d’avarie, la responsabilité est limitée à 920 DTS/colis ou 2,75 DTS/kg de poids brut des marchandises ; en cas de retard à la livraison, la responsabilité est limitée à 2,5 fois le montant du fret pour les marchandises ayant subi le retard, sans excéder le montant total du fret.

[122] C’est pour cette raison que nous ne l’avons pas évoquée supra dans la sous-section 2 relative au droit international uniforme.

[123] CCI, Publication n° 481.

[124] Eric A. CAPRIOLI, Considérations sur les nouvelles Règles CNUCED/CCI applicables aux documents de transport multimodal, DMF 1993, p. 204, s., spéc. p. 224.

[125] Eric A. CAPRIOLI, op. cit., conclut ainsi sa chronique (pp. 221 et 224) : « Le document de transport multimodal, tel qu’il est régi par les nouvelles règles, est acceptable par la communauté commerciale internationale. Les Incoterms 1990 de la CCI n’ont-ils pas été révisés pour partie à cause des changements techniques de transport se traduisant par l’acheminement multimodal ? De sorte que ce sont pas moins de sept termes qui correspondent à tous les modes de transport y compris le multimodal (EXW, FCA, CPT, CIP, DAF, DDU, DDP). Outre cela, l’acceptation du texte par la communauté bancaire internationale ne laisse planer aucun dote ; les règles ont été conçues pour être compatibles avec les futures RUU 500 (qui ont été adoptées officiellement en 1993) sur le crédit documentaire de la CCI. Pour preuve, l’art. 26 du projet définitif est entièrement consacré au document de transport multimodal. (…) ».

[126] Eric A. CAPRIOLI, op. cit. p. 208.

[127] Idem.

[128] Pour deux présentations brillantes (en ce sens qu’elles rendent hommage à ses œuvres depuis sa création) de l’organisation internationale intergouvernementale UNIDROIT, v. Jean-Paul BERAUDO, Les Principes d’UNIDROIT relatifs au droit du commerce international, JCP 1995.I.3842, spéc. n° 2, p. 189 ; et Catherine KESSEDJIAN, Un exercice de rénovation des sources du droit des contrats du commerce international : les Principes proposés par l’UNIDROIT, RCDIP 1995, p. 641 à 670, spéc. n° 2 à 5, pp. 643 et 644 puis : La charte constitutive de l’UNIDROIT, n° 11 à 22, p. 647 à 652.

[129] « Le résultat est un véritable Code des contrats internationaux », J.-P. BERAUDO, op. cit. n° 6.

[130] Des Restatements [de l’anglais restate (exposer, énoncer de nouveau), lui-même provenant du latin re (reprise, répétition), et de l’anglais state (déclarer, énoncer, spécifier), ce dernier provenant du latin statuo signifiant mettre en évidence, exposer, statuer, ordonner], Christian LARROUMET donne, selon nous, la définition la plus satisfaisante : ce sont des « compilations privées » qui reflètent « le droit positif tel qu’il résulte des décisions les plus remarquables de la jurisprudence de plusieurs Etats membres de la fédération nord-américaine » (La valeur des Principes d’Unidroit applicables aux contrats du commerce international, JCP 1997.I.4011) ; en d’autres termes, aux USA, un Restatement est un codex de règles jurisprudentielles qui reprend en les énonçant, les solutions essentielles propres à une matière donnée : ainsi, les Américains disposent-ils d’un Restatement of contracts.

[131] Les Restatements sont l’œuvre de l’American Law Institute.

[132] C. KESSEDJIAN, op. cit. n° 8, et note 14, p. 646.

[133] J.-P. BERAUDO est sur ce point, très optimiste : lire ses observations, op. cit. spéc. n° 23, 28 et 32.

[134] J.-P. BERAUDO, op. cit. n° 32.

[135] J.-P. BERAUDO, op. cit. n° 28.

[136] Andrea GIARDINA, Les Principes UNIDROIT sur les contrats internationaux, JDI 1995, p. 547 à 558 (spéc. p. 558), chronique suivie du texte des règles (sans les commentaires), p. 559 à 584.

[137] A la lumière des difficultés inhérentes à la négociation et à la conclusion d’un contrat international, le favor contractus est la faveur, la protection accordée au contrat, afin d’éviter de le voir annuler ipso facto, dès que l’une des parties était, au moment de sa formation, dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations, ou ne disposait pas des biens qui en faisaient l’objet.

[138] J.-P. BERAUDO, op. cit. n° 6.

[139] A. GIARDINA, op. cit. p. 556, s.

[140] V. C. KESSEDJIAN, op. cit. n° 31 à 37.

[141] A. GIARDINA, op. cit. p. 550.

[142] Para : C. LARROUMET, op. cit. spéc. n° 17, p. 149. Contra : en faveur du contrat sans loi : AUDIT, Droit international privé, n° 794, p. 620.

[143] Sur le recours au Principes de « ceux qui sont amenés à trancher les litiges du commerce international », en d’autres termes, arbitres et juges, v. C. KESSEDJIAN, op. cit. n° 38 à 45.

[144] V. les observations de Fabrizio MARRELLA et Fabien GELINAS : Les Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international dans l’arbitrage de la CCI, BCIACCI vol. 10 / n° 2, 2ème semestre 1999, p. 26. Les auteurs développent successivement quatre thèmes : les Principes en tant que droit régissant un contrat international (I), les Principes comme moyen de compléter et d’interpréter le droit national applicable (II), les Principes comme moyen de compléter et d’interpréter des Conventions internationales (III), et l’exclusion des Principes (IV). Le Bulletin de la CIACCI publie ensuite des extraits des principales sentences rendues en la matière (pp. 34 à 112), ainsi qu’une importante bibliographie sur le sujet (pp. 113 à 122), auxquels nous renvoyons vivement le lecteur.

[145] Sur l’arrêt Valenciana, v. supra, n° XXX. Comp. les observations de A. GIARDINA sur la probable réception des Principes en Belgique, Suisse et Italie : op. cit. pp. 552 et 553.

[146] J.-P. BERAUDO, op. cit. n° 28, § 1, in fine.

[147] Documentation française, Paris, 1997.

[148] J. RAYNARD, Les Principes du droit européen du contrat : une lex mercatoria à la mode européenne, RTDciv. 1998, p. 1006, s. ; v. aussi, Ch. JAMIN, Un droit européen des contrats, in Le droit privé européen, Colloque de Reims, 30 janvier 1997, Economica 1998, p. 54 s. ; J. BASEDOW, Un droit commun des contrats pour le marché commun, RIDC 1998, n° 1 (ce dernier auteur est favorable aux Principes européens et plaide pour l’adoption d’un tel Code européen des contrats, sur le fondement des dispositions de l’art. 100, a, du Traité de Rome).

[149] J. RAYNARD, op. cit. titre de ses observations.

[150] Site Internet de la CCI : http://www.iccwbo.org

[151][151] J.-P. BERAUDO, Les Principes d’UNIDROIT relatifs au droit commercial international, op. cit. n° 3, p. 189. Dans le même sens, Yves FORTIER (Président de la London Court of International Arbitration), La diplomatie et l’arbitrage, Les Annonces de la Seine, n° 51 du 12 juillet 1999, p. 1 à 6, et spéc. p. 4, 2ème colonne : « Les différends commerciaux internationaux entre parties privées sont, dans la grande majorité des cas, soumis à l’arbitrage ».

[152] Les clippers étaient de solides et rapides voiliers à mâture puissante (jusqu’à cinq mâts), destinés au transport de marchandises, qui (avant d’être détrônés par les navires à vapeur) reliaient l’Angleterre à la Chine, ainsi que les deux côtes des Amériques en affrontant la grosse mer du cap Horn (avant l’ouverture du canal de Panama).